Wtewael, Spranger, Rubens, Jordaens, « carne-vale »

Au moment de la scission des Provinces Unies, de la création d’un Etat Confessionnel Calviniste, mais tolérant. Au moment des crises iconoclastes de 1566 à Anvers ( le Beeldenstorm), de la « révolte des gueux » de 1566 à 1568..les territoires actuels de la Belgique et de la Hollande sont comme l’Italie, la France et le St Empire Romain Germanique, secoués profondément par les déchirements confessionnels.

Une génération d’artistes est confrontées, y compris personnellement à ces contradictions ( Rubens de Père Réformé, puis converti, Jordaens catholique épousant la fille de son maître, protestant connu).

Avant-eux, les artistes comme Massys, Wteawel, Grossius procèdent, à l’instar de leurs contemporains maniéristes italiens à des explorations audacieuses de sujets paradoxaux et sulfureux de sexualités transgressives ( Inceste, homosexualité, relations libidinales) traités avec virtuosité et « manières », mettant souvent en scène des peaux nacrées, des déhanchements appuyés, des corps à corps lascifs, quels que soient les sujets bibliques et/ou antiques.https://textessurlesartsplastiques2.blog/2012/07/06/la-mesure-chapitre-3-manierisme-et-reforme/

Nouveaux sujets requis par le concile de Trente, doutes profonds sur les valeurs humanistes, d’ordre et de raison héritées de la Renaissance et du néo-platonisme.

Ce doute sur les valeurs héritées de la Renaissance, est d’emblée abordé par Titien et par le sujet récurrent de Appolon écorchant Marsyas.https://textessurlesartsplastiques2.blog/2021/01/15/titien-apollon-ecorchant-marsyas/

Cette génération développe une pratique artistique autour de la figuration obsessionnelle des corps, des perceptions sensibles, de l’érotisme le plus transgressif, des valeurs rassurantes et immédiates de la « chair » ( carne), de la « chère ». Pratiques boulimiques rassurantes, contre les angoisses nées des désordres religieux, de la dévaluation de la « raison », mais aussi des désordres instillés par les nouvelles conceptions de l’Espace ( héliocentrisme de Copernic et Galilée, infini de Giordano Bruno).

Ainsi, les valeurs primaires « dionysiaques » sont valorisées, et avec elles, les traditions populaires, paysannes, triviales et truculentes.

Si Rubens comble les angoisses de vide par les gonflements et dilatations, il y associe l’intranquillité de l’agitation, la tension des mouvements, des corps à corps ( hommes et femmes, humains et animaux sauvages, humanité et divinité…)? Jordaens est plus lymphatique, se laissant aller délibérément au remplissages, aux gonflements des corps/outres/panses/vessies/utérus ainsi qu’à leurs transits, le tout dans une passivité lasse et repue.

Si Rubens occupe tout l’espace par l’agitation, Jordaens l’occupe par la saturation. Rubens opte pour une certaine gestualité empruntée à Titien et Tintoret et Jordaens laisse une peinture presque luisante, comme les peaux grasses qu’il met en scène. Cette période appelée péjorativement « baroque » par la suite, se caractérise par un rapport anxieux à l’espace, au vide et à cette nouvelle notion de l’infini, indéfini, inconnu et aux valeurs religieuses, mystiques et philosophiques potentiellement bouleversées par ce nouveau désordre.

Jordaens réhabilite à sa manière les mythes paysans et populaires, du Satyre, de Marsyas, du Roi de Carnaval, des fêtes de famille bruyantes où ce qui prime, c’est le souffle, les transits de flux, de flots, d’ondes, comme symptômes rassurants de la vie.

Je renvoie pour ceci à l’article sur Jordaens, le mou et le plein.https://textessurlesartsplastiques2.blog/2012/07/05/jacob-jordaens-le-vide-le-mou-le-plein/

Ci-dessous une galerie illustrant les propos de l’introduction.

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About Olivier Jullien

Intervenant dans le domaine des arts plastiques, comme enseignant, praticien ( peintures-graphismes) et conférencier.
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