Van Gogh – Klimt, quêtes absolues

Vincent van Gogh, évolue rapidement et intensément, en se déplaçant du nord au sud, en se séparant de la foi binaire et austère de son père pasteur et en découvrant dans la peinture et la lumière/matière comme expression véritable de soi.

Commençant maladroitement à vouloir, avec empathie, évangéliser les travailleurs et travailleuses de la terre, paysans et mineurs, il échoue et se détourne, à la fois des terres austères du Nord, et de la religion de son père.

Sa peinture avec la Bible et « la joie de vivre » est , en raccourci, l’histoire de son parcours. Abandonnant la perspective monumentale, la spiritualité binaire chrétienne ( devenant obstacle, comme ce volume imposant et indéchiffrable) en « noir et blanc », pour se tourner, vers « la joie de vivre », le jaune, la lumière comme source et non comme opposition à l’ombre. Le petit livre de Zola, écorné, vivant mais fragile.

De fait, passant par Paris et sa rencontre avec les impressionnistes que son frère Théo lui fait rencontrer, il découvre le fractionnement de la touche, les estampes japonaises sans perspectives ni modelés et les couleurs pures.

A Arles, il espère lancer une « école d’ Arles », comme celles de Barbizon et/ou Pont-Aven, en suppliant Gauguin de l’y rejoindre, fort de son charisme.

Des oeuvres clefs y voient le jour et la collaboration avec Gauguin est féconde. Les à-plats, les couleurs pures, les peintures simplifiées comme des « enseignes de cabarets » expriment la plénitude de son rapport trouvé à la couleur.

Le facteur Roulin et sa famille, lien essentiel avec son frère Théo qui le soutient moralement et matériellement, est comme une nouvelle figure paternelle, bienveillante, cette fois-ci.

La maison jaune, exprime cependant une tension, car la le ciel est d’un bleu presque nocturne et inquiétant, la véritable lumière, vient de la terre.

De même qu’avec « le Semeur », la lumière ( solaire) devient matière et la terre et le sol deviennent lumières. Van Gogh ose, comme aucun de ses prédécesseurs, utiliser l’épaisseur de la peinture comme performation. En effet, la boue colorée, équivalente de la terre des paysans, devient lumière et vie, comme le cuir de ses vieux souliers, incarnait les moments de vie, devenait unique, vivant.

Van Gogh s’exprime et se retrouve dans ces objets bien choisis. Les tournesols, sont à l’évidence une sorte d’autoportrait, la série évoluant progressivement vers le jaune total, sans reflets sur le vase, sans perspective, sans connotation du fond, avec de plus, une signature par le prénom ( et non le non du père), sur le vase, et non dans le coin du tableau.

Sa chambre bleue ets aussi l’expression de sa lumière intérieure, de son univers austère d’ascète de la peinture. L’intensité de son regard et de ses couleurs l’écartent des subtilités impressionnistes et sa démarche est nouvelle, de nature plutôt expressionniste, déformant la nature par la puissance de ses tensions intérieures.

Après sa dispute avec Gauguin, son automutilation et son hospitalisation, Gauguin, lui reste fidèle à distance ( pages remarquables des « écrits d’un sauvage »), mais il remonte près de Paris, de son frère, de sa belle-sœur et du fameux docteur Gachet. Notons, là encore de beaux portraits, ou les livres, comme pour l’ Arlésienne, jouent le rôle important de l’objet spirituel – C’est Van Gogh, grand lecteur, qui convainc Gauguin de se rendre à Tahiti, après la publication du « mariage de Pierre Loti ».

C’est lors de son retour en région parisienne, qu’il peint cette série exceptionnelle d’après J.F Millet, dans laquelle, de façon explicite, il manifeste sa mystique du corps à corps des paysans avec l’or des blés, dans des compositions radicales du point de vue chromatique.

Son séjour à Auvers, ne résout pas ses tensions intérieures, il y produit encore des œuvres aux tons plus froids, mais lumineux, aux formats allongés, mais souvent les volutes de ses touches expriment comme des troubles intérieurs, une fébrilité manifeste. Ses paysages sont cependant d’une exceptionnelle justesse de tons, de topographie représentée par de savantes variations de touches.

Son frère ne réussit à vendre aucune de ses œuvres, les environnements familiaux ne l’apaisent pas, il est épuisé par ses 3 années d’intense création ( la plupart de ses peintures ont été réalisées, de 1887 à 1890 !!). Son suicide raté dans un champ de blé est une conclusion tellement signifiante, qu’il contribue à sa légende d’artiste maudit.

KLIMT

Je serai plus bref sur Klimt et Schiele.

Klimt opère une mutation d’un art élégant, cultivé, symboliste et décoratif, à une expression très singulière, se traduisant par une mise à plat de ses sujets, corps et/ou paysages, qui, comme voilés ou masqués, se parent de motifs innombrables et denses. Klimt est sans doute le premier artiste à déplacer la tension absolue qui le motive, vers une abstraction plus à même de signifier le passage du corps et de la matière à des visions surnaturelles. La façon dont il désincarne les corps, voilant par une peinture, là encore performative, les corps nus et érotiques. De même, ses paysages sont impénétrables.

L’univers spécifique de Vienne est à la fois conservateur et avant-gardiste tout en étant raffiné et intellectuel. Ceci correspond tout à fait aux tensions qui animent Klimt.

Il trouvera un large écho à son art dans les milieux aristocratiques et modernes, qui, autour du mouvement de la Sécession, modernisent, design, mobilier, architecture, stylisme- l’une des premières compagnes de Klimt est styliste.

Ses peintures pour le Palais Stoclet de Hoffmann à Bruxelles, restent comme un modèle du genre.

D’une manière générale, il évacue tout rapport au sol, au quotidien, à l’anecdote et laisse deviner par des raccourcis virtuoses, des visages en plongée, contre-plongées, raccourcis, ce qui résiste à la désincarnation.

Ses dernières peintures laissent voir un travail plus libre du point de vue gestuel, avec des volutes, des traces, des fragments inachevés, cohérents avec les thèmes existentiels ( vie, mort, vieillesses, naissance, maternité). Ces dernières œuvres sont aussi des compositions remarquables de formes, traces, couleurs, motifs, anticipant de peu, les recherches de Kandinsky et Matisse.

Schiele, qui fut son élève et quasiment son disciple. Schiele, plus jeune, reprend presque Klimt comme dans un relais et explore la puissance plus expressionniste que symboliste de son maître. Peintures fiévreuses et introspectives, fragilités, traits accidentés et nerveux, matières liquéfiées et corps anorexiques, semblent prémonitoires de la fin tragique de lui comme de ses proches, par la grippe espagnole. Le destin tragique, tout comme la valeur existentielle de son rapport à la peinture, le rapproche en fait de van Gogh .

La peinture de Paula Modersohn-Becker, si elle témoigne de la solitude et de thèmes fondateurs, comme la maternité, le travail et un grand dépouillement, elle le fait avec une grande force et monumentalité.

Ainsi elle s’inscrit dans la lignée des Chardin, Millet, Daumier et Courbet qui d’une certaine manière, honorent les figures et corps « invisibles » socialement. La grande différence, vient évidemment du fait que Paula M6Becker, exprime ici une expérience plus intime avec ses sujets, en tant que femme.

Une grande solitude se dégage de ses peintures et elle peut être rapprochée de Suzanne Valadon.

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About Olivier Jullien

Intervenant dans le domaine des arts plastiques, comme enseignant, praticien ( peintures-graphismes) et conférencier.
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