Ecole de BARBIZON

(L’enregistrement ci-dessous étant d’un niveau sonore assez bas. Il faut augmenter votre volume si possible.)

Derrière l’expression d’ Ecole, existe une réalité incontestable autour du lieu précisément de Barbizon, comme point de départ, vers la grande et magnifique forêt de Fontainebleau.

Accessible depuis Melun (relié à Paris par le train, assez vite au 19e), par la diligence, Barbizon et Chailly, sont les villages permettant aux peintres d’aller explorer les alentours, soit les plaines agricoles au nord, soit la forêt et ses impressionnants dénivelés ( gorges d’ Apremont par exemple), dès Barbizon.

La forêt est encore exploitée au début di 19e, par les bergers, les tailleurs de grès, les forestiers, les charbonniers. Il faut aussi considérer la chasse à courre notamment.

La forêt, moins boisée voici 200 ans du fait de ses activités, est cependant extrêmement variée, gorges, platières, chaos rocheux de grès monumentaux aux formes d’une infinie variété, grottes, mares, allées cavalières et sentiers de marcheurs, grandes futaies, essences variées, chênes, hêtres, châtaigniers, bouleaux, pins.

la possibilité récente pour les artistes, de transporter leur matériel de peinture « sur le motif », permet d’aller peindre sur place, dans le paysage et non plus après croquis, dans l’atelier.

Le paysage, devient un sujet propre. Ce qui était déjà acquis dans les Pays-Bas, dès le 17e siècle, devient une pratique de plus en plus appréciée, des artistes, comme d’une nouvelle clientèle, classe moyenne urbaine. Ilds et elles ont en commun de comprendre que le 19e siècle est en pleine révolution culturelle et technologique, urbanisation, exode rural ( à ses débuts), industrialisation violent, machinisme, pollution, technologisme, idéologie triomphante de la domination et de l’exploitation de tout le vivant.

J. F Millet est un rural, provincial du Cotentin et la vie parisienne ne l’attire guère. Sa sensibilité extraordinaire aux lumières, aux corps, aux poses naturelles le porte à voir dans la paysannerie pauvre de la plaine de Barbizon-Chailly le sujet de prédilection pour exprimer sa vision du monde. Il réussit à monumentaliser les figures anonymes de ces campagnes, comme à révéler, les lumières uniques des petits matins et des crépuscules, qui sont comme une récompense aux travailleurs et travailleurs des champs, soumis aux cycles des saisons. Même un potager, un verger, peuvent devenir pittoresques, à l’opposé des grands paysages historiques, bibliques, exotiques de l’académisme tout-puissant alors à Paris. Son usage d’une peinture assez épaisse, comme inspirée par Chardin, son usage des couleurs primaires, du flou démontrent aussi que Millet est un grand plasticien, qui opère des choix radicaux dans ses moyens d’expression.

Corot, de son côté, fait du voyage, du cheminement, une manière de vivre, de découvrir, de désirer. Tantôt, posé devant une vue à contempler dans la révélation subreptice d’une lumière, d’un détour, tantôt lentement tendu vers un lointain, mais attentif surtout aux chemins, aux possibles, à une lenteur et une solitude de piéton. les rêveries du promeneur solitaire de J. J. Rousseau, ont à l’époque imposé cet art de la solitude, de l’introspection et du dialogue avec les éléments. Corot saura aussi inventer une touche tantôt large et lente, posée, tantôt légère et virtuose, très variée, s’écartant de la définition illusionniste de l’académisme. De même, comme Millet et ses choix colorés clairs ( ocres et bruns, puis touches de bleu, de jaune et de rouge), Corot travaille souvent sur de grandes dominantes de Verts, rehaussées discrètement de petites taches de rouge, ou de jaune ou de bleu, qui détonnent au sens strict, dans l’harmonie monotone des bruns/verts/girs ( couleurs monotones stricto-sensu).

Il faut se souvenir aussi que Corot fur un maître généreux, fondant écoles et groupes d’artistes dans toute la France, dispensant ses conseils aux filles Morisot ( Edma, Berthe et Yves).

Bien entendu, ces 2 artistes ne sont pas seuls, mais ils imposent lentement leurs points de vue sur la scène artistique parisienne. Courbet à sa façon ( passant aussi par Fontainebleau) relaie cette nouvelle subjectivité et la puissance du quotidien, du vrai, de la réalité, comme ce qui précisément n’est pas le spectacle, la séduction superficielle, l’illusion.

Ci dessous, une galerie non exhaustive d’un certain nombre des plus fameux artistes de cette Ecole de Barbizon, qui va exister pendant plusieurs décennies.

C’est en partie grâce à ces artistes, que la forêt de Fontainebleau fut le premier espace naturel classé au monde, après la pétition, notamment de Georges Sand et de Victor Hugo, défendant, la nature et la beauté, comme un bien commun et nécessaire, au peuple, donc protégé et propriété de l’ Etat!

De son côté, plus sensible au monde animal qu’aux aléas des paysages, Rosa Bonheur, à Thomery, révèle le mystère fascinant des grands mammifères, mais participe aussi à ce regard qui se détourne du spectacle, du bruit des cités, des foules et des encombrements pollués.

Bien entendu, ces sensibilités vont aussi nourrir l’impressionnisme, art de la lumière, de l’instant bref, du paysage. Monet et Sisley seront aussi parmi les derniers peintres à fréquenter ces forêts et les rives de la Seine et du Loing. Albert Marquet quelques décennies plus tard, y reviendra.

Si de nos jours, il ne reste rien de cette ébullition artistique, il y a à Barbizon, l’ Auberge Ganne, remarquable petit musée de l’ Ecole de Barbizon, dans les locaux même, de l’ Auberge qui abritât des dizaines d’artistes, dont nombreux laissèrent aux murs et sur les meubles, des témoignages émouvants de leur talent et de leur liberté.

A Chailly en Bière, il est question, que l’ Auberge du Cheval Blanc puisse bientôt montrer là encore certaines traces du passage de ces « rapins bohèmes ». C’est aussi à Chailly en Bière que Monet a peint son grand triptyque du déjeuner sur l’ herbe.

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About Olivier Jullien

Intervenant dans le domaine des arts plastiques, comme enseignant, praticien ( peintures-graphismes) et conférencier.
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