Pourquoi il faut vraiment visiter l’atelier, installation, exposition deJean-Luc Rocaboy
à Brecey ( Manche).
D’abord parce que c’est épatant ( ça épate), drôle, séduisant, dérangeant, jubilatoire, intelligent, sensible, impressionnant, singulier, émouvant et beau.
Ensuite, parce que ça ne peut pas être montré ailleurs, il faut s’y rendre ! Et ça tient du facteur Cheval autant que d’une installation contemporaine.
A la suite de ce texte, quelques planches donnent un petit aperçu de l’ensemble et se réfèrent en parte au texte.
Mais aussi
« je peux pas t’encadrer »
( Sentence de Ben, encadrée dans la maison de Jean-Luc R.)
JLR pratique les cadres de façon quasiment systématique depuis des années, souvent à l’américaine, avec des gouttières, des corniches. Cadres imposants d ‘autant plus, que dans les compositions picturales, Jean-Luc ne cadre pas, semble fuir les bords. Par contre il redouble les frontières tout en refusant paradoxalement d’enfermer ses figures. Parfois elles s’échappent par les coulures, par l’effacement et encore par une sorte de mise en relief, découpées et disposées en avant d’un fond souvent flou..
Ce pourrait être anecdotique, si on ne retrouvait pas cette question du cadre et de l’enfermement, à tous les nivaux de son travail…Palissades, boîtes, serres…placards, casiers jusque dans les jardins. Le bois est partout présent, poutres, panneaux, planches, vieux meubles et buffets de famille, dehors comme dedans. Les espaces de présentation en extérieur sont tous d’habiles constructions de claustrats et de palettes.
Ces dispositifs plus que des cadres enfermant, sont des mises en scènes, d’un moment de la création, d’une étape et d’une pause. Car toutes ces limites sont en fait mobiles et assez fluides, à l’opposé du carcan. Avec portes, coulisses, ouvertures. Tout l’atelier fonctionne ainsi , mis en scène et perturbé, cadré et ouvert.
On circule dans l’atelier comme dans un labyrinthe, des portes, des espaces, des passages, des alvéoles.
Tout est à la fois présentation, chantier, installation, rangé et susceptible d’être réutilisé, augmenté, dupliqué.
Les vitrines et les maquettes sont toujours entrouvertes ; impossible de savoir ou commence et ou finit l’œuvre, dehors, dedans, du plus petit détail aux installations extérieures assez monumentales, à l’échelle de l’architecture et de la maison. Pas un objet, un outil, un pinceau, une meuleuse, une pince, un dessin, une photo, une figure, une image, une babiole, une chute de moulage, un sac de ciment, une planche, un carton, une sculpture qui n’aie une place pensée.
Ceci fascine effectivement car tous les niveaux de sa création sont ainsi, à la fois mis en scène mais non figés, vivants, en constant devenir.
Mais JLR ( une connaissance de 48 ans!) déteste les enfermements, qu’ils soient sociétaux, religieux, moraux, politiques…un fond rebelle et constant l’anime mais il ne conçoit pas de création et de développement sans repères et tuteurs. Aussi les cadres ne sont pas là pour enfermer mais pour proposer, pour faire le point.
Innocent
JLR clame son innocence au sens du refus de culpabilité.
Le grand point de départ est pour lui, la prise de conscience du socle pour lui détestable du catholicisme de son enfance, « le péché originel », la culpabilité supposée ineffaçable du genre humain assénée par les prêtres de son enfance au centre de la Bretagne, relayée dans une famille rurale traditionnelle. Ce poids indépassable jusqu’au jugement dernier dont les idéologues catholiques ont abusé pour soumettre toute velléité d’existence libre. Violences, menaces et effrois.
Il hait viscéralement cette philosophie de la contrition et des interdits, particulièrement dans le domaine de la sexualité. Il revendique systématiquement le droit d’aborder et de représenter le type de sexualité qui l’intéresse. Contre la honte et l’hypocrisie, il pense que la nudité affichée est une résistance aux discours et postures hypocrites.
L’innocence est aussi le propre de l’enfance, dit-on, aussi revendique t-il une certaine juvénilité spontanée dans sa création. Le « désirant insatiable » qu’est l’enfant, déraisonnable et joueur sont encore bien vifs en lui. Comme celui qui a refusé les interdits de l’éducation pesante de sa jeunesse.
Cette innocence revendiquée l’amène aussi à se méfier des modes et discours dominants dans le domaine de la culture et des Arts Plastiques. Aux discours et justifications théoriques, il préfère le jeu, le flux spontané des envies, mais mis en scène et en œuvre par un travail imposant. La légèreté juvénile, exprimée avec la force d’un héritier du monde paysan, du labeur.
Un labeur non laborieux !
Fruits et serres
Excellent jardinier et maraîcher, Jean-Luc sait comment mener une graine jusqu’au fruit. Il connaît la préparation des terres, les saisons, la qualité des semences, les arrosages au centilitre près, le désherbage et aussi les aléas du climat, des parasites et des champignons.
Rétif aux désherbants chimiques, il connaît le travail de surveillance et d’attention méticuleux. Ainsi, cette nature dont on attend des fruits et légumes est cadrée, surveillée et son épanouissement est beau à tous instants. Jardin, allées et serres sont parfaitement aménagés, au milieu des installations de sculptures de femmes dénudées dans des poses retenues. Un solarium reconstituant une plage naturiste prolonge la serre de tomates, poireaux salades et autres.
Ici aussi, pas de séparation des domaines ni des lieux, le jardin est attenant à l’atelier, lui même lieu d’installation continué par les coulisses des espaces de soudure, de moulage, de ponçage.
L’atelier est comme une serre, un jardin dédié à faire éclore les fruits de son travail de réalisateur d’images et de figures en 2 ou 3 dimensions ( voire 4, avec la mise en mouvement de certaines scènes et l’usage de vidéos).
C’est à ce propos, que je pense pouvoir aussi dire que Jean-Luc a une idée assez précise du bon fruit qu’il faut obtenir. Comme un idéal de maraîcher, ses peintures et sculptures de corps féminins, correspondent à une sorte de standard de qualité , un idéal. Ses grands nus, comme ses sculptures sont des variations autour d’un modèle, il n’explore pas l’immense diversité du genre humain.
Jean Luc admire Ingres mais aussi Courbet et Rodin, références en tension.
Il y a un intéressant paradoxe que de viser une sorte de perfection et de maîtrise des images ( pas de traces de peinture, pas de gestualité, pas d’épaisseur, pas de contexte ni d’anecdotes ni d’histoires) et en même temps de redouter tout ce qui est fini, achevé, fermé. Par contre, il aime jouer avec le hasard des coulures et la fluidité, cette fluidité, ce flou débordant subtilement les contours.
Mais c’est là que le jardinier nourrit l’artiste ; en effet, chaque œuvre réalisée, aboutie, devient comme le fruit qui revit par la graine, la transformation, la cuisson. Un fruit n’est pas un « objet », c’est un moment, une phase. Les images et sculptures de Jean-Luc, sont, elles aussi systématiquement réutilisées, reproduites, agrandies, réduites, en 2D, en 3D, moulées, démoulées, reproduites, collées, assemblées afin de renaître et nourrir de nouvelles œuvres. Comme si la notion d’idéal, pourtant recherchée, devenait à peine atteinte, une limite insupportable.
Un jardinier ne s’arrête jamais de relancer ses plantations, quelque soit la qualité de sa récolte.
Puissant moteur de création que de ne pas supporter d’aboutir.
Le fruit de référence reste encore la pomme et il vit en Normandie.
Il travaille sur une grande pomme croquée, mais qui contient en elle, en guise de pépins, une synthèse de son œuvre. Comme la « Boîte en Valise » de Duchamp ou la « Porte de l’ Enfer » de Rodin, cette pomme est aboutissement comme fruit et point de départ comme pépin..il y a à l’intérieur de cette pomme, à la place de la main d’un dieu, une menotte enfantine suspendue qui assure l’avenir.
Processus, quantités et qualités
Un autre paradoxe de l’œuvre de Jean-Luc relève aussi de cette notion de perfection et d’idéal, de maîtrise.
Une œuvre seule et qui serait aboutie, ne témoigne pas du processus sinon, discrètement et pour les amateurs éclairés, qui savent la poïétique en jeu ( les moyens mis en œuvre pour aboutir au résultat) ; elle suppose encore que le « public », partage les mêmes critères de qualité, ce qui est de nos jours improbable.
Jean Luc met donc en scène de façon évidente, le travail, les étapes, la production comme une sorte de validation de l’œuvre finie, au point que toutes ces étapes font partie de l’œuvre et sont montrées dans l’atelier.
Dans l’atelier, il n’y a pas la salle des dessins, celles des peintures, celle des sculptures, celle des vitrines et assemblages. On trouve à côté des œuvres, les outils, pinceaux, séchoirs, encres, pigments, gouges, biseaux, colles, cartons, rouleaux, toiles, châssis, contre-moules, filasse, grillage, accessoires, sacs de plâtre ou de ciment, latex, caoutchouc, alginate ….
Je me permets de penser qu’il y a aussi de sa part, un héritage légitime du milieu rural et paysan pour qui le travail, les outils, les matières sont un rappel quotidien et sage de la réalité.
Je pense aussi que la culture française dominante véhicule un mépris de classe insupportable envers tous les travaux manuels et les techniques. La rébellion de Jean Luc contre ce monde s’exprime sans doute aussi par la volonté de ne pas séparer le fruit du travail nécessaire à son apparition.
Autre aspect essentiel dans l’accumulation et la présentation incroyable de matériaux, objets et images, il s’agit de l’héritage maternel des vitrines et accumulations.
Jean Luc a vécu entouré de meubles, étagères et vitrines remplis par sa mère, de bibelots de toutes natures, religieux et profanes. Façon singulière et libre d’échapper à la « nécessité », à la réalité morne de tout quotidien.
Souvent cette pratique de saturation et d’accumulation est significative de l’ Art Brut. Beaucoup d’artistes n’ayant pas reçu l’éducation Classique et Apollinienne du « vide » de la distance et des règles, lui substituent un autre ordre, une autre règle, dyonisiaque, de la quantité, du travail de la présence immédiate et de l’énergie ; l’accumulation comme marque évidente de richesse. Dans une culture rurale ou la possession de terres et la richesse se traduisent en nombre de têtes ou de quintaux produits, la quantité est une qualité évidente. C’est d’ailleurs un des principes de la dialectique.
Jean Luc est issu d’un croisement de cette culture rurale et de l’éducation universitaire des années 70. Ses références à Rubens, Vélasquez, Ingres, Crémonini, Schlosser ou Hockney entre autres sont claires, tout comme ses clins d’œils philosophiques et/ou psychanalytiques. Ceci étant, depuis les années 1980, les installations et accumulations sont aussi devenues un mode d’expression artistique abouti ( Hirschhorn, Hybert, Sarah Sze par exemple), ainsi, assez naturellement Jean Luc établit un lien entre ses 2 univers de référence.
Corps à corps
Si dans la peinture, JL Rocaboy reste assez fidèle à un idéal technique revendiqué ( peinture lisse, fondue, souci du détail), pour ce qui est de la sculpture il est confronté au même paradoxe que tous les sculpteurs hyperréalistes. Hormis le contexte et la mise en scène, quelle est la dimension artistique d’un moulage peint ? Jean-Luc ne se veut pas le Grévin de ses amies.
Pour les sculptures il opère de quelques manières variées.
Il y a celles qui sont disposées dans des sortes de box/cabanes, plutôt hyperréalistes et associées au jardin, au parcours extérieur. Des présences surprenantes que l’on dérange autant que leur nudité peut nous déranger. Nous sommes directement confrontés à la question de l’intimité, de la nudité. On parle parfois de jardin secret, nous y sommes par effraction organisée et suggérée.
Mais il y a les sculptures installées dans l’atelier fermé ( mais non cloisonné). L’amateur déambule au milieu des étagères, vitrines, maquettes, tables de travail, pupitres, socles, suspensions, et effleure des moulages peints de corps nus ( parfois les mêmes que celles du jardin).
A la différence des corps mis à l’extérieur, celles-ci et celui-ci ( dans chaque figure masculine on reconnaît Jean-Luc) semblent avoir attirés sur eux, tels des aimants, des babioles et bricoles de toutes sortes pour s’en faire des sous-vêtements et couvre-chefs surréalistes, mais plus drôle que les mannequins surréalistes de Dali, Duchamp, Breton.
Casques allemands récupérés dans une maison occupée par la Whermacht, mais chromé, têtes de homards, épis de maïs et carapaces d’ araignée de mer, plumeaux, cornes, ailes, mitres d’ évêques, lunettes de plongées coiffent ces humains, qui semblent, attifés ainsi, exprimer innocemment leurs démons singuliers. Des grenouilles et serpents sortent de certaines bouches. Jean-Luc le grand exorciste amoral et complice a aidé l’expression des interdits.
Il est souvent présent, par des autoportraits sculptés, dessinés, peints, photographiés, saisissants de bouffonnerie, en empereur romain de pacotille, en grand manitou casqué, en ordonnateur complice de ce chahut. Pas de narcissisme ni de mégalomanie dérangeante, mais présence de l’artiste au cœur de son œuvre.
Les sous-vêtements, faits de dentelles de pistolets à colle sont aussi drôles et inventifs. Ici les vêtements et habits ne correspondent pas aux normes sociales et aux codes ( habits-habitudes-habitation), mais à l’expression de ce que la peau cache.
Car Jean-Luc se confronte là encore à un paradoxe, c’est que la nudité, une fois établie, ne dit rien ou pas grand chose, surtout quand les corps sont jeunes, harmonieux et dans des poses retenues.
Ainsi, pour faire parler ces figures, il faut qu’il y ait du débordement. Comme l’artiste, aime maîtriser la technique, si il aime les hasards des coulures, c’est pour se les approprier comme les accidents et ratages, mais pour les sculptures, il utilise un autre type de débordement par des attributs imprévisibles, débordement mental mais pas technique.
A propose de la fluidité que l’on retrouve dans les aquarelles et les peintures à l’ acrylique, la référence revendiquée de JL. Rocaboy est celle de Léonardo Crémonini ( qu’il a d’ailleurs rencontré à Brecey). Des artistes comme Helen Frankenthaler ou Olivier Debré ont aussi exploré le potentiel expressif des fluides ( après Turner bien sûr).
La truculence de ces ensembles carnavalesques, fait penser à Bosch et Breughel. Jardin des délices aux corps légers jubilant au milieu des fruits rouges et des animaux, mais aussi fantasmes, obsessions et démons propres aux esprits humains.
D’ailleurs, on trouve pas mal de squelettes ( petits jouets d’ Halloween) dans des corps à corps érotiques que Jean-Luc installe dans ses vitrines, à côté de Marie en extase, Jésus kitsch, Mickeys et impressions 3D de silhouettes féminines dans des postures érotiques. Ces squelettes sont enfin débarrassés des chairs qui empêchent le contact absolu des ossements.
Les corps à corps dessinés en très grande quantité (plus de 500) sur des cartons normés, aquarellés, aux contours fins et précis, rehaussés de tons légers sont rangés dans des tiroirs et réservé aux curieux et curieuses.
Pas de contextes, pas de cadres, peu d’ombres, peu d’objets. Une sexualité hétéro assez normée quoique débridée, mais sans perversions ni humeurs, ni pilosités.
La encore, une humanité ressemblant étrangement aux élus et damnés du jugement dernier, ressuscitant toutes et tous, nus, dans la trentaine, sans blessures, rides, maladies, aux proportions idéales. Quoiqu’il apprécie Bacon et Lucian Freud, les corps sont représentés sans beaucoup de chair.
Il semble que là encore, malgré le sujet issu de la pornographie, au sens ou il y a exhibition des sexes, Jean-Luc freine tout débordement, tant dans sa pratique que dans les sujets. Pas de perversions, pas de fétichisme ni de violence. Si nous assistons clairement à des corps à corps, ce sont des corps sans masses qui ne pèsent pas ( pas de gravité) ils et elles flottent. Paradoxe intéressant et significatif, la seule chose qui les rattacherait au réel, ce sont les phrases méticuleusement écrites par Jean-Luc sur ces mêmes œuvres, qui comme dans les tableaux de Schlosser, évoquent le quotidien, fragments d’émission de radio, listes de courses…etc..
On trouve aussi des corps animaux. La grande vache qui accueille devant l’atelier et la Grande Grenouille du lavoir de Brécey .
Vaches et grenouilles, tout un programme digne de l’antiquité.
Depuis les grandes vaches du Paléolithique, en passant par Hathor puis Io, les vaches sont associées aux univers féconds des producteurs, tout comme les univers Dyonisiaques, associés aux marais, dans lesquels on trouve les grenouilles et batraciens. Le monde paysan est associé dans la mythologie égyptienne au dieu transgressif Bês et aux satyres comme Marsyas dans la tradition grecque. Bês comme Marsyas ne pouvant jamais accéder à la représentation classique.
Un paradoxe esthétique constant est celui de l’idéalisation impossible de fonctions pourtant vitales, sexualité, manducation, transits divers, pourriture.
Cette part maudite et impensée de la culture chrétienne particulièrement est sans doute l’une des préoccupations de l’artiste.
Labeur
Le labeur dans toute sa splendeur revendiquée. Le génie au sens initial, de la création. Attenant à l’atelier protéiforme ou sont installées les œuvres, on passe dans le dédale des matériaux et outillages de sculpture. Ici aussi créativité et invention se révèlent dans le moindre recoin. Tous les outils et matériaux sont présents, rangés, mais aussi immédiatement disponibles, pas dans des boîtes ni des étagères, mais suspendus, à portée de mains, sur des ressorts, des râteliers inventés, branchés sur de multiprises savantes ?
Combien de meuleuses, de disqueuses, de ponceuses, de fers à souder, de bacs, de sacs, de pinces, de serre-joints, de clés, de ciseaux, de masques anti-poussières sont suspendus ? Des établis assez dégagés, mais pas trop, ont du être utilisés très récemment ; il y a des traces, des fragments, mais la plupart des fragments, paires de seins, visages, moulages de sexes, de crânes, de mains et de pieds sont réorganisés en totems, sans doute pour le moment indignes des salles de présentation, mais parfaitement à leur place sur ces établis et casiers. En fait tout est parfaitement rangé et fonctionne.
Un grand évier semble encrassé, mais le robinet ressemblant à une concrétion calcaire tourne parfaitement, et la citerne d’eau de pluie discrètement installée assure le nettoyage méticuleux des outils.
Tout est à l’avenant et procède du même esprit que le jardin et l’espace de présentation. Cet espace du « labeur » n’est pas la part maudite ou humble de la création, il en fait entièrement partie.
Jean-Luc invente en permanence dans son usage des outils, matériaux et ustensiles, trouve des solutions rusées, drôles, efficaces et économiques, car il ne s’agit pas de consommer sous sommation.
Je ne peux pas m’empêcher de voir ici, l’héritage du milieu paysan ( pas celui des productions industrielles) pour lequel, la connaissance des matières, des outils et leur optimisation constitue un savoir vital, y compris l’invention permanente, l’économie et les expériences..les mélanges ciment, béton, sciure, colle à carrelage….par exemple ( dosage secret professionnel)
4 éléments
Traitant à sa façon spécifique la terre (jardinage, modelage, plâtre) ainsi que l’eau ( jardin, citernes, bassins, grenouille, coulures) et l’air ( jardin, ouvertures, présentation en extérieur, mouvement des installations sur plateau tournant) Jean-Luc fait aussi la part au feu, mais de façon séparée.
Non seulement les barbecues, mais surtout le travail du métal et de la soudure. Un exemple remarquable, le récent treuil en cornières et sur roues, inventé et soudé, combiné à une poulie, avec leviers et balancier, qui lui permet de déplacer sa pomme d’une tonne.
Dans l’atelier, si j’ai cité les outils et instruments de moulages, je n’ai pas cité les fers à souder, les masques pour se protéger de l’acétylène, les étaux et stocks de pièces métalliques de machines et mécanismes désossés.
Si ces outillages sont organisés dans le parcours labyrinthique de l’atelier et côtoient les parties molles et fluides des moulages, les fruits de ces soudures, sont des sortes de totems en volume, figurant au sens strict des visages, qui tels les « masques » des cultures africaines, ne sont pas genrés, semblent exprimer des forces intérieures jusqu’à déborder des contours réguliers de tout visage.
Ainsi, il y a du Vulcain aussi chez Rocaboy, figure cohérente avec Bès et les Satyres, car Héphaistos/Vulcain, est le seul Dieu sur terre, maudit et éloigné des arts apolliniens, le seul Dieu travaillant, avec le feu de la terre, le feu souterrain des forces obscures, loin du soleil d’ Apollon et de la foudre de Zeus.
Ces figures ont la plupart du temps un air ébahi et menaçant, assez proche du totem représentant le chevalier de Haddock ( le Secret de la Licorne), prêtes à vociférer…..Un côté gueulard qui exprime certainement un aspect de l’artiste !
De façon cohérente encore, ces sculptures sont constituées de réemploi de machines et instruments agricoles, roulements à billes, moyeux, fourches, bêches etc..une façon de réorganiser encore un héritage. Mais ces nombreuses sculptures ne sont pas installées dans le parcours de « l’atelier » comme si elles échappaient au flux, au cycle de création autour du corps et des végétaux.
Bref,
cette contribution n’épuise pas l’expérience directe du lieu, ni la rencontre avec l’artiste, d’autant plus que chaque visite révèle de nouvelles surprises.
Olivier J. Juillet 2025.



































Ci dessous,
2 textes rédigés par J.L. Rocaboy qui offrent un éclairage personnel sur son œuvre.
Parallèlement à sa carrière d’enseignant, aujourd’hui terminée, Jean-Luc ROCABOY mène une activité de peintre, de sculpteur, de photographe et d’infographiste dans un atelier suffisamment vaste (400 m²) pour pouvoir pratiquer sur des grands formats. Il revendique une totale indépendance par rapport au marché et aux institutions, ce qui lui donne une grande liberté dans sa pratique artistique, refusant de s’enfermer dans un style absolument défini qui rassure tant les marchands d’art.
Voici comment il définit sa démarche :
S’il n’y avait quelques thèmes obsessionnels qui taraudent les profondeurs de mon inconscient (la figure humaine et ce qui lui est associé, le corps avec sa connotation sexuelle, la femme surtout, mais aussi l’homme, l’animal.) ma production artistique serait volontiers abstraite. Organiser l’espace à deux ou trois dimensions avec les matériaux du peintre ou du sculpteur sont en soit une activité qui laisse encore de larges territoires à explorer, suffisamment en tous cas pour qu’on puisse y affirmer son originalité.
Cette fascination récurrente pour le corps m’incite le plus souvent à l’utiliser comme référence dans mon travail artistique. Mais, plus que le corps lui-même, c’est l’image photographique du corps qui agira en tant qu’incitation à un travail pictural. Avant de poser un regard de peintre, j’aurai posé un regard de photographe sur ce corps. Tout un travail de recherche d’attitudes, de mise en scène, d’éclairage, aura été préalablement enregistré par photo ou vidéo. J’utilise également des captures d’écran sur le web comme source documentaire, ainsi que des images vidéo.
Mon travail pictural ne consiste pas à transposer simplement une image photographique sur une toile de grand format. Je cherche au contraire à en « abstraire la substantifique moelle » pour affirmer le plus justement la spécificité de la peinture. Faire de la peinture n’est pas reproduire de la photographie. C’est ici que s’exprime la dimension abstraite de la peinture qui est à mon sens le véritable sujet du tableau que je suis en train de produire. L’acte de peindre sur un grand format implique un corps à corps avec le support et la figure qui doit en émerger. Cet engagement physique et cérébral est une véritable source de plaisir. Traces, coulures, recouvrement, transparences, se font échos pour faire apparaître cette figure qui s’inscrira dans un espace de matière. Il reste que cette figure s’impose avec force. Le degré élevé d’iconicité agit comme un trompe-l’oeil de l’esprit. Il perturbe le regard et empêche de voir ce qui intéresse vraiment le peintre. « Ceci n’est pas une pipe » avertissait en son temps Magritte.
Un paradoxe assumé (texte compémentaire)
Le visiteur qui découvre pour la première fois mon atelier est étonné par la diversité stylistique et thématique de ce qui lui est donné à voir. Ma pratique est en effet fortement ancrée par un goût prononcé pour les expériences techniques. Je pratique avec un égal intérêt la peinture, la sculpture , la photographie et l’infographie. Quelque soit la technique utilisée, ma démarche reste cependant la même : se laisser conduire par le matériau qui immanquablement révèlera ses possibilités expressives. A une époque ou le discours tend à minimiser la dimension technique de la production artistique contemporaine au profit du discours conceptuel, cette attitude peut paraître paradoxale. Je n’ai pourtant pas le sentiment de mener un combat d’arrière garde. Je revendique au contraire le droit de préférer une démarche artistique qui relève du sensible et du plaisir à toute autre qui solliciterait essentiellement le discours. J’aime la peinture et la sculpture dans ce qu’elles ont de plus traditionnel et de plus moderne à la fois.
Jean-Luc Rocaboy est un artiste plasticien vivant à Brécey en en Basse Normandie, il pratique avec un égal intérêt la peinture, la sculpture , la photographie et les arts numériques, Lorsque que l’on découvre son vaste atelier, on est frappé en effet par la quantité et la diversité des œuvres qui y sont exposées ou entreposées. Des peintures en très grands formats côtoient des sculptures hyperréalistes grandeur nature sur le thème de la figure humaine. Le corps, qu’il soit féminin, masculin ou animal est en effet son sujet de prédilection. Au fil du temps, cet espace de création est devenu une sorte de cabinet de curiosité au parfum d’érotisme et de pop culture empruntant aussi bien aux apports modernes que classiques . Cet éclectisme revendiqué est sa véritable identité. Il refuse toutes concessions au lois du marché de l’art qui aime à formater les artistes dans un style facilement identifiable , Jean-Luc Rocaboy n’est certes pas immédiatement identifiable , et pourtant un œil averti saura faire le trait d’union entre toute ses œuvres qui peuvent séduire ou déranger selon qu’on accepte ou non de transgresser une certaine morale judéo chrétienne.Cacher moi ce sein qu’on ne saurait voir disait Tartuffe dans la très transgressive pièce de Molière. Plus tard Magritte nous apprendra qu’une œuvre représentant une pipe n’est pas une pipe ! Lorsque Jean-Luc Rocaboy trempe ses pinceaux dans les jus d’acrylique pour peindre ses grand nus, il oublie vite son sujet pour nous rappeler qu’il fait avant tout de la peinture,
Sculptres métal
En réalisant cette série de sculptures en métal soudé, Je me situe dans la lignée de ces nombreux artistes inspirés par l’esprit Dada qui a fait du recyclage d’objets de rebut l’un des fondements du langage plastique contemporain. Toute la question est comment ne pas faire du Picasso ou du César et échapper à l’anecdote en s’essayant à ce genre de pratique.
Lorsque j’assemble ces éléments métalliques, mon ambition n’est pas de simplement faire de drôles de têtes pour susciter le sourire d’un public toujours sensible à l’humour. Au delà de l’anecdote, j’essaie de faire une synthèse de ce qui constitue ma culture artistique. La façon de découper les morceaux de métal et de les mettre en relation par des jeux de contraste a quelque chose à voir avec le langage cubiste et constructiviste. Et si le résultat peut faire penser à une quelconque sculpture africaine, c’est que celle-ci a fortement imprégné les formes de l’art moderne dont je me réclame.
Jean-Luc Rocaboy
Démarche artistique pour catalogue photoboxe
Le visiteur qui découvre pour la première fois mon atelier est étonné par la diversité stylistique et thématique de ce qui lui est donné à voir. Ma pratique est en effet fortement marquée par un goût prononcé pour les expériences techniques. Je pratique avec un égal intérêt la peinture, la sculpture, la photographie et l’infographie. Le corps est le plus souvent mon fil conducteur. Quelle que soit la technique utilisée, ma démarche reste cependant la même : me laisser conduire par cette technique spécifique qui, immanquablement, révèlera ses possibilités expressives. Il en résulte une œuvre picturale où la figuration réaliste résonne (raisonne) avec une certaine forme d’abstraction. Quant à la sculpture, lorsqu’elle n’est pas consacrée à l’assemblage d’éléments métalliques hétéroclites organisé dans un esprit post cubiste, je la conçois comme un simple plaisir de modeler des corps pour en révéler une beauté formelle fantasmée, d’où se dégage à postériori une connotation érotique. Plus tard, l’accumulation de ces êtres factices en trompe l’œil, m’amènera à rechercher des idées d’installations qui feront Œuvre.
Œuvres érotiques
Entre érotisme et pornographie, le champ sémantique est ténu. Ce qui est érotique pour l’un est pornographique pour l’autre . La vénus de Cabanel est-elle moins pornographique que l’Olympia de Manet ? la question envenimaient déjà le débat au XIX°. A vrai dire ce genre de débat est sans intérêt. C’est moins une question de voile qu’une position morale. Il faut dépasser l’hypocrisie qui sous tend ce genre de débat. L’enlèvement des filles de Leucippe de Rubens est d’une audace qui n’a rien à envier aux contre plongées dont raffolent les cadreurs du cinéma porno. L’histoire de l’art est remplie d’Oeuvres érotiques qu’on admirait sous prétexte d’empreint à la mythologie antique .Chaque époque à trouvé de bonnes raisons de regarder sans culpabilité des images qui excitent nos pulsions libidineuses. La profusion d’images pornographiques diffusées aujourd’hui sur Internet est une mine inépuisable pour qui, crayonner des nus, relève du plus grand plaisir. A la vulgarité de ces mises en scène souvent très médiocres, on peut toujours en extraire ce je ne sais quoi qui transforme le sujet pornographique en travail artistique. Si doute il y a, c’est bien cette question de l’artistique qui est le seul questionnement valable à propos de mes dessins. En enlevant ces voiles qui cachaient autrefois ses sexes qu’on eut tant aimer voir, Je cherche tout simplement à « détartuffer » un sujet qui fascine l’artiste depuis toujours .
Texte pour le site Yobacor
avertissement
En Tapant peintures religieuses dans Google Images vous espériez regarder avec volupté de saintes femmes éplorées en extase devant le corps magnifique du Christ. Peut-être cherchiez vous à revoir les ignudi de Michel Ange ou bien « Adam et Eve chassé du paradis » peints à fresque sur ce même plafond de la Chapelle Sixtine ? Voilà que vous tomber sur un obscur artiste qui vous dévoile à dessein tout ces seins que vous ne sauriez voir. Vous êtes choqué ? passez votre chemin. Ici Trop de corps enlacés, trop de fesses rebondies, trop de poitrine siliconnées voluptueuse, trop de jambes écartées , de phallus en érection, de pénétrations insoutenables, trop d’impudeur pour votre Œil pudique. Point d’esclaves enchaînés, d’apôtres martyrisés , de soldats sadiques, de femmes violées, de massacre de saints innocents. Du sexe, rien que du sexe, de l’art aussi , dégénéré ? Vous le dites, beaucoup, certainement au regard censeur des Savonarole de la morale catholique. Rien à foutre . ma jouissance à moi est de philosopher dans le boudoir du Marquis plutôt que dans la crainte du jugement dernier. Sade plutôt que Jésus. Quoique ! Jésus était paraît-il un beau mec qui savait pardonner à la femme adultère. Et Marie Madeleine ? N’a-t-on pas dit qu’elle n’était qu’une putain tombé amoureuse du fils de Dieu ?
Amateur éclairé d’histoire de l’art et de mythologie, avant de découvrir tout aussi fortuitement mes lesbiennes excitées léchant goulument des chattes épilées , vous avez admiré la composition mouvementée de « l’enlèvement des filles de Leucipe » Ah ce coquin de Rubens ! ce virtuose de la contreplongée érotique ! comment ne pas succomber aux charmes de ses modèles si charnelles. En d’autres temps, je vous le dis, elles eussent été des starlettes du X . des filles légères offertes aux paparazzi de la chair à tabloïde. Pas du tout ! vous n’y êtes pas ! Point de mont de Vénus dévoilés dans ces Œuvres baroques. point de vulgarité dans ces tableaux mythologiques. Ici tout n’est que subtilité et suggestion effleurée, que compositions parfaitement maîtrisées. A l’ardeur feinte de vos hardeurs médiatiques, Ce maître absolu du baroque vous oppose une majestueuse leçon de peinture. Qui a dit le contraire ? il m’a tant appris ! quoi que je lui préfère Titien ou Véronèse. Tout de même oseriez vous me dire que ses « trois grâces » n’étaient que pures références mythologiques ? Du cul je vous dis, du cul, pas que, mais du cul, de beaux culs , de vrais culs ,de la fesse, généreuse, de la chaire à canons , de l’époque certes, mais de véritables canons. Pas ces mannequins anorexiques pour quelque Lagarfeld et autre Galiano sophistiqué d’aujourd’hui. Bien qu’il y ait de l’érotisme aussi dans les déambulations saccadées de ces frêles mannequins affamées . On voit bien que les références ont changé. Egon Schiele est passé par là. Eros et tanathos, ce vieux couple maléfique.
Egon Schiele. Parlons en d’Egon Schiele. Il a largement contribué à mon intérêt pour le sujet érotique, ainsi que Klimt son ami. Pas besoin de prétexte culturel pour oser l’érotisme . Ils y sont allé avec la virulence combative des opposants à l’ordre morale . D’exemplaire leçons de peinture qui ont décomplexé bien des artistes d’aujourd’hui. Pas que les artistes du reste. les milliers de visiteurs des rétrospective de lucien Freud autre figure majeure d’un art qui fait fis de toute les pudibonderie arriérées des intégrismes religieux en témoignent. de La permissivité morale de notre époque, celle des nouvelles technologies médiatiques, fragile sans doute, tant les ayatollah sont aux aguets, mais réelle tout de même
Quant à moi je m’explique. Pour qui aime dessiner le corps nu, la pornographie accessible à volonté sur internet est une mine de sujets inépuisable. Tous ces corps, féminins et masculins, filmés ou photographiés dans les attitudes les plus variées ne peuvent que susciter l’intérêt de l’artiste au-delà même du plaisir sexuel. Encore faut-il oser. Les plus grands artistes ont souvent laissé libre cours à leurs fantasmes érotiques dans le secret de leurs carnets à dessins. On les expose aujourd’hui sans tabou. C’est probablement leur audace qui m’a permis d’aborder sans complexe ce sujet qui, par sa profusion médiatique, est devenu un véritable phénomène de société. Mon plaisir est de sublimer la brutalité des images pornographiques pour en extraire une dimension plastique. J’ai la conviction qu’une grande qualité picturale dans une œuvre figurative dont le sujet est pornographique annule la pornographie. Toute la problématique de l’artiste est de faire de la bonne peinture. Ce dont il peut et doit douter en permanence.