Micro-article qui sera illustré prochainement…
La lumière rend digne toute chose et toute personne…Prélude à la déclaration universelle
De manière systématique et méticuleuse, Chardin, dans l’intimité close d’un atelier met en scène une lumière qui se révèle par la diversité des textures et volumes qu’elle éclaire.

Chardin, nature morte aux poires.
La variété des textures et donc des effets de lumière, prouve la valeur unique de chaque surface, de chaque matière, au regard de la lumière.
Ce n’est pas l’art des Vanités, car il n’y a pas de trompe-l’œil ; au contraire, la peinture est présente comme matière homogénéisant.
Espaces clos, sans fenêtres, sans portes, sans ouvertures ; les objets et présences éclairées construisent un espace limité mais dense.
Scène mettant en place des personnages n’ayant droit ni à la parole, ni au chapitre, ni à la représentation : enfants, femmes, servantes.

Ici, la lumière est aussi celle du savoir transmis ; en secret, ou au moins, discrètement, entre filles. Prélude à l’éducation universelle et obligatoire…Ici encore, la lumière, comme l’esprit sont confinés et intenses, stables et sereins, quoique cachés. Confiance dans la vérité du propos.
Natures mortes d’arrières cuisines et de débarras. Il ne s’agit pas ici des plats en argent, des cristaux et ors des tables dressées.
Compositions triangulaires et pyramidales, dans lesquelles nous sommes invités à pénétrer tranquillement par les dispositifs de composition obliques ( carrelages, manches, saillies, pipes, crayons, poireaux, harengs…). Partage de cette complicité. Monde discret qui se révèle profond malgré sa modestie.

Une compostion extraordianire de dynamisme, carrelage en oblique, qui annonce les compositions de Degas ! Composition en spirale qui aboutit à l’ellipse de la table ; récurrence de cercles et ellipses ; pour Chardin, valeurs cardinales et stables: femmes, repas, foyer, couleurs primaires. Loin des fastes de la cour de Louis XV.
Forces cachées mais essentielles.
Toute texture, éclairée justement se révèle pittoresque et donc digne d’être représentée, non seulement les transparences et les ors, mais toutes les matités, les rugosités, les opacités terreuses, les tissus élimés et épais…Les mauvais enduits des murs, les tomettes usées, les bois de billots , les manches de corne, les bassines étamées, les cuivres bosselés..
Chardin met aussi en scène des puissances cachées, la Raie, les huitres…..au delà des apparences…On peut voir les scènes aussi comme des intérieurs, des puissances cachées ; la Pourvoyeuse, le Bénédicité, etc…sont autant de forces intimes, n’ayant pas le statut de figures dignes de représentation, mais se trouvant être aussi dense, voire plus que les bergères de Boucher..

Composition décentrée et géométrique, surfaces patinées, moirées, nacrées…la vie, du minéral à l’animal. Le temps suspendu. Matières premières.
En plein 18eme siècle, comment ne pas voir ici, sans doute à son insu, des hommages indirects au 1/3 état…Enfermé, contenu, ignoré et pourtant essentiel, digne, dense et incontournable…Il y a dans l’univers de Chardin une force contenue qui finit par s’imposer comme l’une des œuvres les plus abouties de son siècle. L’universalité est ici celle de la lumière, des lumières, qui rendent égales toutes les formes et textures..
Philosophie des lumières, Sol lucet omnibus....métaphore de la pensée et de la dignité d’être humain..