Grandes lignes- essai sur les catégories

 

Manuscrit du 13e siècle, traité de médecine :de la difficulté des catégories …..

Ci-dessous, les grandes lignes des cours dispensés à l’Université paris Sud, à Orsay, à partir d’octobre 2012.

 

Essai de catégories dans un monde homogène.

Voici des pistes empiriques de réflexion, qui permettent de repérer dans l’histoire de la peinture occidentale des grands courants au sens premier du terme, c’est à dire comme des flux qui traversent les époques et expriment des permanences dans les rapports que des individus ont au monde.

Il y a une universalité du genre humain ; il ne s’agit pas de rentrer dans les catalogues de caractères, en vogue dans les siècles précédents et encore populaires aujourd’hui,  mais de vérifier que les artistes dès lors qu’ils sont en mesure de produire un art individualisé, laissent voir, avec ou sans intention une manière d’être au monde.

Il semble également important de repérer, en même temps que des grands courants de sensibilités artistiques, des périodes historiques de changements.

Le modèle pertinent de HEGEL

Si Hegel a pu caractériser des sociétés entières avec une pertinence géniale et une chronologie pertinente, en gros , en reprenant les schémas de E. Souriau dans son vocabulaire d’Esthétique :

Égypte Antique et Inde comme Symbolistes( quête de sens et prolifération des signes,des dieux, métamorphoses…formes inadaptées)..

Isis et Horus ; mère/enfant, vie/mort, corps/écriture, ombre/lumière, Courbes/droites, éternité/éphémère, nature/culture, animalité/humanité, humain/divin….l’art égyptien structure une vision totalisante et peu hiérarchisée des forces. Remarquable confusion entretenue qui multiplie les formes et images pour dialoguer avec l’irrationnel.

le Classicisme du « miracle grec »( 500 jusqu’à Alexandre) comme adéquation idéale entre forme, culture, idée, organisation sociale .

Bien que sculpture tardive ( non pas période classique, mais hellénistique) la venus de Milo, exprime justement la parfaite nostalgie de l’unité qui caractérise le classicisme ; tout est réuni autour le l’axe central, ondulations subtile sur les points d’inflexion – sexe-nombril-cou) ; corrélation avec la section d’or ; humain/divin ; quête de la beauté autour d’une déesse dédiée ; tendance à la réunion des caractéristique masculines et féminines ; nudité et dévoilement discret ; dimensions de subtile monumentalité ( légèrement plus grand que l’échelle humaine) etc….

Romantisme comme l’expression artistique englobante du christianisme occidental, autour de la question du sujet solitaire, la figure de Jésus, la mort, l’issue fusionnelle etc…

Il me semble possible de repérer à chaque moment de grande créativité artistique ( je parle de peinture) comme un résumé, un concentré de ces postures.

Il y a cependant un point central avec le constat de Hegel sur la fin de l’art ( dans la mesure ou il ne voyait pas d’issue à ses classifications), c’est que dès le 19e siècle, au moment ou lui même pense la fin de l’esthétique, il y a réelle explosion des catégories esthétiques et que cette classification, même ramenée, non plus à des sociétés entières, mais à la vision du monde de certains individus, ne fonctionne plus.

Le 19è, marque réellement un changement d’ordre des choses et des hiérarchies socio-culturelles ( classes-religions-identités-technologies-constitutions). Après David, tout change, car le bouleversement s’exprime par l’ordre.

Courbet ensuite et son réalisme subjectif, influence radicalement la fonction de la représentation en  l’ écartant de l’idée d’idée,à savoir la prééminence de l’idée sur la représentation artistique ; Courbet se défie des systèmes littéraires et religieux, qui empêchent de VOIR .

Or, les 3 catégories de Hegel, reposent essentiellement sur la notion que les arts plastiques dérivent d’une idée du monde et en sont l’expression.

Cependant, dans toute la période du « romantisme chrétien occidental », il est possible de repérer des attitudes qui rentrent sans trop forcer dans un classement en 3 cases. : approche symbolique, classique et romantique..

De grandes tendances artistiques à l’intérieur de la peinture occidentale

Pour simplifier les catégories esthétiques de Hegel en Symbolisme, Romantisme et Classicisme, ont pourrait presque retenir à plusieurs moments, des attitudes artistiques qui exprimeraient des sensibilités à chaque fois particulières à leur époque, reprenant ces 3 catégories, à condition de   les comprendre de façon plus souple, comme sensibilités individuelles, par exemple :

Le classicisme exprimera la conciliation, la mise en place de règles et de codes partagés et exprimera un rapport posé au monde, à l’univers.

Le symbolisme exprime une quête, une confusion des notions et une soif d’absolu ; cette quête tend à justifier un détachement du réel, une aspiration à l’idéal et une certaine liberté formelle.

Ce qui est décrit comme Romantisme, au 19e siècle, peut aussi englober une notion première de solitude de l’artiste, de confrontation conflictuelle au réel ; une manière de se débattre dans le monde. Un univers personnel dense qui cherche à se saisir et s’imposer aux contemporains. Or cette attitude, caractéristique du 19e, se retrouve assez nettement à des périodes bien antérieures.

Nous pouvons ainsi classer de manière simple et assez claire des groupes d’artistes proches, qui correspondent plus ou moins à ces catégories.

Sans doute est-ce d’ailleurs pour cela que l’ histoire les a retenus. On peut proposer raisonnablement une polarisation en 3 pôles des attitudes artistiques ; bien entendu, toutes les nuances sont possibles et existent entre un « romantique-mystique’ ou un « classique- romantique » avec des dosages divers et des pondérations.

par exemple :

Van Eyck : classique, Van der Weyden : symboliste, Bosch : romantique.

Francesca : classique, Angelico : symboliste, Uccello : romantique

Raphaël : classique, Vinci : symboliste, MichelAnge : romantique

Veronese : classique, Titien : symboliste, Tintoret : romantique.

Au 16e siècle, on pourrait accoler presque tout le maniérisme du 16e au symbolisme dans la quête de sens, les allégories, l’érudition et l’encombrement comme la confusion.

Un Breughel exprime à ses débuts, une attitude quasi romantique de solitaire lucide et confronté aux affres du genre humain ; mais  il est sans doute le premier à évoluer vers un classicisme, une paix et un ordre trouvé et mise en place dans ses œuvres par une évolution des espaces et sujets.

Rembrandt : classique, De La Tour : symboliste, Caravage : romantique

au 18e français, en mode mineur car le monde est en ébullition

Chardin : classique, Watteau : symboliste, Fragonard : romantique…

le cas baroque …

Ces catégories ne peuvent opérer que dans des sociétés relativement homogène, car elles expriment un rapport à un ordre existant. Dès lors que cet ordre est en mouvement il y a relativisation au sens strict ( comment exprimer un rapport construit avec un univers informe ?).

Par exemple, le baroque lyrique exprime de manière significative plus un bouleversement permanent que des rapports établis ; ce n’est d’ailleurs pas étonnant que dans ce cadre, les individualités artistiques soient relativisées ; les figures de Cortone, Pozzo, Gaulli, Borromini sont quasiment oubliées ; reste le Bernin, surtout pour les architectures et sculptures ; ces artistes  n’expriment pas chacun un regard propre et identifiable.

Ces artistes du Baroque lyrique peu connus ( Borromini, Baulli, Pozzo, Cortone)  ne se distinguent donc pas par une vision personnelle du monde…Le Baroque lyrique serait à placer étonnamment du côté d’un certain symbolisme, tellement la quête est évidente et confuse, débordant de signes et symboles…mais ces peintres de plafonds peints, inclus dans les architectures, sont en quelque sorte, les classiques de ce courant, il y a dépassement des drames personnels et des tensions individuelles; un équilibre se trouve dans cette disposition picturale et architecturale.

Rubens quant à lui est une figure en totale fusion avec son temps, son époque, son pays, ses valeurs, aussi dans son désordre apparent s’expriment des valeurs établies, partagées et assumées totalement, mais c’est aussi un peintre de l’action,de l’engagement corps à corps ; son contemporain Jordaens, exprime plus d’inquiétude, en se focalisant à ce point sur le corps..

Rubens donc, comme Baroque flamand, intégrant  la puissance de l’action et une relation forte au réel, comme ambassadeur et peintre de cour international,  serait alors le romantique des baroques, et si il faut un baroque symboliste .alors Jordaens, dans son retour inquiet à la terre et aux débordements des corps pourrait être celui là ?

La fin du romantisme chrétien

Comme Hegel voit la fin de l’art au 19e siècle ; il le voit surtout comme l’épuisement de la forme romantique de l’art occidental chrétien.

De manière somme toute logique cette classification à grands traits devient quasiment impossible au 19è, car de façon claire le classicisme s’exprime dans la révolution, le symbolisme dans l’académisme et le romantisme en mode majeur, jusqu’à l’explosion du réalisme, des subjectivités et des écarts.

Jusqu’à ce point de rupture, la figure christique était LA figure de l’individu romantique ; seul, doté de puissance ( au sens de potentiel- la plus grande puissance, Jésus étant fils de dieu et dieu) , potentiel frustré car ne trouvant pas sa véritable place sur terre, victime, trahi, abandonné, mort sacrifié puis  accédant de manière fusionnelle à l’infini par la résurrection et l’ascension ; fusionnant dans une figure ternaire, principe créateur/énergie ( le père) Corps et quantité agissante ( le fils), esprit supérieur comprenant la totalité de la création ( le saint esprit) . Ainsi, nous trouvons là de nombreuses obsessions qui feront le romantisme littéraire et pictural.Jésus absorbe pendant des siècles, les pulsions singulières et les préoccupations individuelles ; il est le romantique indépassable. Mais la crise progressive du christianisme aboutissant à  l’esprit des lumières et au libertins, voit émerger des destins solitaires. Une autre approche des questionnements existentiels, de la spiritualité, du rapport aux angoisses, à la folie, à l’érotisme, à l’univers…

Le serment du jeu de paume, inachevé pour cause de précipitation des évènementsrévolutionnaires, devient emblème des enjeux de la représentation...tant politique que picturale. Quels styles pour quelles visions du monde ? Ici, plus de héros singuliers...

Le serment du jeu de paume, inachevé pour cause de précipitation des évènements révolutionnaires, devient emblème des enjeux de la représentation…tant politique que picturale. Quels styles pour quelles visions du monde ? Ici, plus de héros singuliers…pour un temps assez court.

A partir de la Révolution française,et surtout des impasses collectives et des déchirements internes,  les figures messianiques pullulent ; la Révolution française, substitue d’abord Bara, puis Marat, puis Bonaparte à Jésus…

David se retourne vite vers les figures de sacrifiés ; ici le jeune Joseph Bara, agneau/Isaac etc....peint en 1794 ; David s'écarte des grandes idées générales pour trouver des substituts émotifs ; renouant là avec une sensibilité chrétienne.

David se retourne vite vers les figures de sacrifiés ; ici le jeune Joseph Bara, agneau/Isaac etc….peint en 1794 ; David s’écarte des grandes idées générales pour trouver des substituts émotifs ; renouant là avec une sensibilité chrétienne.

Bonaparte, transmué de jeune héros mortel à Empereur divin, une fois exilé sera l’une des figures mythique de la grande substitution. David lui même se voit en messie d’un art nouveau.

Turner, 1845, la figure de Napoléon, comme archétype du destin romantique...Ici, la peinture se lâche,se libère, devient accident, tache, trace, geste....Napoléon ou les trains à vapeur..Pour Turner, tout ce qui brasse,bouillonne et transforme est signe de vie, jusqu'à l'épuisement, jusqu'à la fusion dans le grand" tout"..

Turner, 1845, la figure de Napoléon, comme archétype du destin romantique…Ici, la peinture se lâche,se libère, devient accident, tache, trace, geste….Napoléon ou les trains à vapeur..Pour Turner, tout ce qui brasse,bouillonne et transforme est signe de vie, jusqu’à l’épuisement, jusqu’à la fusion dans le grand » tout »..

Le principe de fusion est un des principes chrétiens de base, dont le modèle est bien sûr jésus; mais il devient un modèle profane qui se répand au 19è siècle, par exemple chez Turner. Tous ces destins individuels, sont cohérents avec le monde nouveau issu de la déclaration des droits de l’homme..Un nouveau droit, qui  n’est pas écrit, mais qui est implicite : chacun est maître d’un destin susceptible d’être grand. A partir de là les candidats sont légion. Chacun est investi d’une vérité. La puissance intérieure, le tourment, sont les grandes données de la posture romantique individuelle du 19, qui annonce la fin du grand romantisme civilisationnel.

Hugo, Chateaubriand, Goethe, Byron, Stendhal sont emblématiques combattants solitaires des libertés comme Lafayette à sa manière. La LIBERTE devient le grand sujet politico-romantique du siècle et se vit au singulier aussi bien que comme programme politique ; Goya, Géricault, Delacroix, Turner, Friedrich expriment clairement cette confrontation solitaire aux infinis. Les infinis n’ont plus le nom de dieu et deviennent des puissances qu’il faut négocier….paysage, mer, nuit, rêves, animalité, autre ( femmes), passé…..

Delacroix, étude de chasse au lion...Synthèse de divers "ailleurs" fusionnés par l'action, le mouvement : exotisme, animalité, mort, conflit...geste tourbillonnant et libre, peinture d'action..

Delacroix, étude de chasse au lion…Synthèse de divers « ailleurs » fusionnés par l’action, le mouvement : exotisme, animalité, mort, conflit…geste tourbillonnant et libre, peinture d’action..

Pendant ce temps, le religieux catholique, si fécond et souple jusqu’à présent devient propagande conservatrice au 19e siècle. Le catholicisme devient un outil de restauration de l’ordre sur terre.

La figure de Charlotte Corday est récurrente dans la peinture académique ; l'ennemi commun trouvé, est bien sûr Jean Paul Marat, ferment révolutionnaire radical. Ici, après Baudry, aviat nous présente la nouvelle Jeanne d'Arc, mais ici l'ennemi n'est pas l'étranger, il est intérieur.

La figure de Charlotte Corday est récurrente dans la peinture académique ; l’ennemi commun trouvé, est bien sûr Jean Paul Marat, ferment révolutionnaire radical. Ici, après Baudry, Aviat nous présente la nouvelle Jeanne d’Arc, mais ici l’ennemi n’est pas l’étranger, il est intérieur.

L’enjeu pour cette classe dominante sera d’accorder aristocrates restaurationistes, girondins/bonapartistes/thermidoriens et bourgeois arrivistes autour d’une conscience de classe claire : il faut contrôler et maîtriser ; dominer et soumettre : les corps des forces productives ( sources de biens) les forces  naturelles ( matières premières et énergies) les forces intellectuelles ( sources de connaissances et de progrès) les puissances de l’argent ( sources de spéculations et puissance d’investissement)…A cette volonté de fer de contrôle et de maîtrise, se combine la crainte des débordements. Les univers dangereux sont ceux associés à la nature ( qu’il faut partout domestiquer) : les cultures dites primitives ; l’univers féminin( infantilisé et corseté/cloîtré); l’enfance ( folle jeunesse à dresser) ; les classes travailleuses ( incultes et animales, forces brutes à domestiquer comme les bêtes de somme). Le catholicisme sera parfaitement compatible avec l’idéologie dominante qui est en train de se constituer.

ST Sulpice

Ingres, devient St Sulpicien dès qu’il s’écarte des portraits et des nus….

Ingres, Jeanne d'Arc...plus à l'aise avec les peuaux et les drapés qu'avec les armures et les grandes idées, Ingres le subtil tombe dans l'imagerie dévote et vile...Enjeu politique du 19ème siècle: le contrôle et la contrainte des forcesdites naturelles.La maîtrise de la technique picturale devient un signe de l'adhésion aux valeurs dominantes.

Ingres, Jeanne d’Arc…plus à l’aise avec les peaux et les drapés qu’avec les armures et les grandes idées, Ingres le subtil tombe dans l’imagerie dévote et vile…Enjeu politique du 19ème siècle: le contrôle et la contrainte des forces dites naturelles.La maîtrise de la technique picturale devient un signe de l’adhésion aux valeurs dominantes.

Les prêtres de St Sulpice avaient été dispersés à la Révolution. Le séminaire de Paris est  rouvert en 1801  mais Napoléon le ferme peu après, et il faut attendre 1814 pour sa restauration complète.Puis Louis 18 l’approuve d’un point de vue civil dès  avril 1816. Les sulpiciens ont dirigé des grands séminaires et assuré la formation permanente du clergé en France,  en Amérique ( nord et sud),  au Viet Nam comme au Japon en Afrique.  Ils sont connus pour leur dévotion  à Marie.

Scheffer, parfois considéré comme romantique...estl'un des piliers de la dégénérescence de l'art religieux, vers l'imagerie mièvre et affectée ;la religion s'écarte des questionnements métaphysique, pour devenir une coutume et une posture affectée ; la figure récurrente est celle de visages douceureux. Cette fadeur se retrouve dans les modelés, ombres et lumières comme dans l'absence déléibéréed'épaisseur ; ilne faur rien laisser dépasser ; cette apparente douceur cache un contrôle strict.Au moment même où le patriarcat le plus résctionnaire s'impose parla force, levisage du Jésus apparaît comme une façade édulcorée de la virilité caricaturale et pileuse.

Hary Scheffer, parfois considéré comme romantique…est l’un des piliers de la dégénérescence de l’art religieux, vers l’imagerie mièvre et affectée ;la religion s’écarte des questionnements métaphysique, pour devenir une coutume et une posture affectée ; la figure récurrente est celle de visages doucereux. Cette fadeur se retrouve dans les modelés, ombres et lumières comme dans l’absence délibérée d’épaisseur ; il ne faut rien laisser dépasser ; cette apparente douceur cache un contrôle strict.Au moment même où le patriarcat le plus réactionnaire s’impose parla force, le visage du Jésus apparaît comme une façade édulcorée de la virilité caricaturale et pileuse.

Les véritables modèles  de l’art dit St Sulpicien sont les images d’ Hary Scheffer et de son raphaelisme, les statues de la Vierge de Lourdes, mauvaise traduction du modèle médiocre du pieux sculpteur Cabuchet, les effigies trop sensibles de Thérèse de Lisieux ou de saint Antoine de Padoue comme des œuvres néo-byzantines.

Les St Sulpiciens sont au cœur de la restructuration du catholicisme, détestant l’héritage révolutionnaire, et napoléonien, attachés aux rois de la restauration, formant tout le clergé et assurant les colonisations……ils sont rétablis dans leurs droits, à St Sulpice, dès les premières heures de la Restauration.

La peinture religieuse est exprimée essentiellement par les artistes académiques, les peintres  pompiers, leur douteuse fascination pour le culte à Marie et par contamination , leur fascination pour les êtres « purs et sans taches » les amène à des figures d’une mièvrerie crapuleuse…à tendance nettement « puerophile« …..Le mythe de l’innocence, est associé au déni de sexualité adulte ; le Jésus est infantilisé ; on se rappelle alors, qu’il est mort à l’âge « adulescens » des romains ( il est sous gouverne romaine) et non pas adulte « Vir »; Marie est de même supposée vierge et « immaculée ». La grande tendance du 19e siècle catholique, en France révèle de manière indéniable une fascination obsessionnelle pour les enfants . Enfants vus non plus comme des êtres désirants et inachevés, mais au contraire comme des modèles d’humanité, innocente, pure, crédule et positivement  irresponsable.La fin de l’art religieux, le fantasme de l’innocence, péché originel du catholicisme.

On trouve dans les images « pieuses », un nombre invraisemblable de « petits Jésus », bien loin du charpentier héroïque et romantique….

Cette approche est fondée sur la supposée pureté et innocence des enfants ; la faute originelle étant la sexualité hétérosexuelle, pileuse, adulte….La castration iconique patente des imageries pieuses du 19e est un emblème de la castration désirée de ce qui fait peur ; la sexualité, la maturité, la féminité, la force, les classes sociales , le  travail, les peuples dits sauvages..

Il y a identification entre les femmes, les enfants et les sauvages…car ils peuvent être sauvés ; les grands absents de l’imagerie sulpicienne sont les adultes.

Du romantisme au réalisme, du réalisme à la réalité de la peinture

Pendant cette inéluctable mort de l’art religieux catholique, la peinture prend des tournants significatifs ; le passage final, du romantisme au réalisme se fait par Courbet.

Courbet, les lutteurs. La manière de Courbet, d'imposer,sansdistance, ni visuelle, ni culturelle, ni narrative,des corps de lutteurs populaires, sombres, musculeux d'une force fruit du travail,est emblématique de la grande rupture qu'il opère dans le concert romantique d'un côté et académique de l'autre. Il trouve une voie propre, celle du constat, de la phénoménologie.

Courbet, les lutteurs. La manière de Courbet, d’imposer,sans distance, ni visuelle, ni culturelle, ni narrative,des corps de lutteurs populaires, sombres, musculeux d’une force fruit du travail,est emblématique de la grande rupture qu’il opère dans le concert romantique d’un côté et académique de l’autre. Il trouve une voie propre, celle du constat, de la phénoménologie.

La subjectivité absolue apporte le regard sur les phénomènes. Le constat, le réel , les moyens, l’abandon de l’idée première..cet ensemble de principes constitue un socle qui permettra la bascule progressive vers  un art plastique, c’est à dire formel.

Cézanne voulait étonner Paris avec une pomme...Il y réussit. Intensité d'un regard scrutateur,ne hiérarchisant plus le visible...arrêtant son regard par libre choix...révélant l'infini dans un espace clos,et toutes les couleurs en tous les points de l'espace. La peinture formelle,anti sujet,anti posture,anti illusion...Fin du romantisme, du classicisme,du symbolisme.

Cézanne voulait étonner Paris avec une pomme…Il y réussit. Intensité d’un regard scrutateur,ne hiérarchisant plus le visible…arrêtant son regard par libre choix…révélant l’infini dans un espace clos,et toutes les couleurs en tous les points de l’espace. La peinture formelle,anti sujet,anti posture,anti illusion…Fin du romantisme, du classicisme,du symbolisme.

Kandinsky résume le tout en 2 textes essentiels et complémentaires : « Point, Ligne, Plan » comme  déconstruction systématique ( à l’origine de l’enseignement du Bauhaus) et aussi « le spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier ». Il prouve que les œuvres d’art peuvent conserver leur densité tout en s’écartant de figurations et d’intentions.

Le succès phénoménal de cette approche, comme de toutes les déconstructions de Matisse, Picasso, Mondrian, Malevich, Duchamp reste fécond et accompagne un siècle qui se méfie des grands systèmes ; les grandes idées et les grandes religions n’ayant empêché, ni la 1ere, ni la 2eme guerre mondiale, ni Hiroshima, ni les colonisations….ni les totalitarismes….

On peut donc comprendre que le retour à une certaine innocence de la matière ait été un fil conducteur des pratiques artistiques.

Cette forme prend cependant du sens, plusieurs sens ; la prodigieuse et variée exploration du phénomène au cours du 20e siècle en est la preuve. Mais l’art du 20e siècle est largement dominé par cette approche.

voir l’article sur le basculement du sol..

Des femmes artistes et le retour des sujetsFemmes, artistes….. l’ardoise magique, histoires d’effacements

Au milieu du 20 siècle, l’irruption progressive de femmes dans la confrérie des artistes plasticiens modifie sensiblement cette césure en réintroduisant le vécu et l’intime.

En place des discours multipliés sur les phénomènes plastiques ( plans-traces-taches- supports-matières-dimensions-geste-etc…) hérités du Bauhaus et du cubisme, certaines femmes comme Bourgeois, St Phalle, Messager, Pane, Abrakamovic, Orlan , Horn, Calle s’imposent par des pratiques relatives à des expériences personnelles et incontestables, inimitables, non transposables ; à ce titre, leurs productions apparaissent comme « genrées » dans un premier  temps. Critique réductrice qui tend à les marginaliser ; néanmoins, se nichent la, des œuvres qui redécouvrent le sens, la figure, l’espace et se libèrent de l’emballage théorique incontournable, tout en ayant des complexités conceptuelles évidentes.

On peut penser que nous sommes en mesure dorénavant de redécouvrir posément, avec sensibilité, culture et intelligence, des pratiques artistiques variées….La redécouverte de certains artistes écartés par l’histoire dominante est intéressante, à l’exemple de Hopper ou Freud…

A propos Olivier Jullien

Intervenant dans le domaine des arts plastiques, comme enseignant, praticien ( peintures-graphismes) et conférencier.
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