VEZELAY- Le chapiteau du moulin mystique.

A partir du chapiteau, dit : le Moulin mystique, exemplaire de la statuaire romane à Vézelay, nous allons déployer la notion essentielle de « passage » dans l’art Roman chrétien.

La statuaire romane remplit la fonction didactique et séduisante que les vitraux gothiques assurent quelques années plus tard.Les vitraux de la cathédrale de Chartres.

Pour commencer, en architecture, un chapiteau est un « liant », une fonction essentielle, permettant d’augmenter la portance de la colonne, de la colonnette ou du pilastre en évasant un volume vers le haut , assurant ainsi une meilleure stabilité. Le chapiteau sert donc d’appui et de passage.

De même, les colonnes étant la plupart du temps de section ronde et les arcs ( ou poutres) de section carrée, il y a un jeu de géométrie dans l’espace qui fait du chapiteau, une forme hybride entre le cône et la pyramide ; passage encore du cercle au carré. Mais encore, le chapiteau est donc la tête de la colonne ( caput = chapiteau) et soutient donc un arc de cercle, là encore, passage. Ce petit élément d’architecture, à la fonction définie, se trouve donc un élément de jonction et de passage, optimisant une structure.

La tradition chrétienne est d’inventer des paraboles et des métaphores et/ou des symboles, depuis la croix et le poisson en passant par l’or ( symbole du minerai (Terre- Jésus-homme) devenant lumière ( ciel-Jésus-Dieu) et plus tard, nous l’avons développé dans de nombreux articles, le point de fuite par exempleAnnonciations de Fra ANGELICO. Ainsi, le chapiteau exprimera très vite dans l’ architecture romane, le passage du terrestre ( colonnes humanisée portant une tête) au céleste ( arc courbe comme la voûte céleste).

C’est en ce sens que le thème du moulin est emblématique, car le moulin assure le passage du grain à la farine…de l’indigeste au digeste.

Ce principe du « passage », est opérant à tous les niveaux dans l’art roman dans son ensemble. Christianisme « militant » et prosélyte, il s’agit bien d’initier. Par le Baptême, par la séduction des images populaires, par les menaces ( enfer et démons- iconographie puisée dans les apocalypses).

La construction des Narthex, est la preuve manifeste d l’importance de l’initiation et de la préparation des fidèles avant l’entrée dans le lieu consacré de l’église. Dominée par un tympan, accueillie par Jean Baptiste. Les tympans extérieurs sont aussi une sorte d’appel, en pleine nature et souvent dans les hauteurs des campagnes, comme signal d’un lieu d’exception, en rupture avec le monde réel ; fort troublé en ces temps chaotiques, les bâtiments servent non seulement de repères, mais d’asile.

La totalité de la création divine est réordonnée par la statuaire romane, des végétaux aux animaux, jusqu’aux monstres et fantasmes, tout trouve une place et peut être englobé, dans la mesure où une structure supérieure ( l’architecture orientée et pensée) régule cette diversité. Les plantes et végétaux servent de modèle, de structure, de lien. identifiables aux structures ( colonnes, piliers, nervures), les plantes sont aussi ces formes de droites et courbes harmonisées, qui sont comme un modèle graphique ( la palmette) à la diversité des figures ( animaux, humains).

Bernard de Clairvaux, théologien mystique et enflammé ( croisades) est aussi le théoricien de l’iconoclasme cistercien, dénonçant ( assez justement en fait) le fait, que si les œuvres sont inspirées par la foi, elles ne la génèrent pas. Argument des iconoclastes byzantins, puis ensuite des Réformés.

La naissance des abbayes cisterciennes, répond à la prolifération et à la démesure des abbayes bénédictines, comme Cluny. Les cisterciens, se défient aussi de tous les intermédiaires , saints, martyrs, , comme artistiques et même cléricaux; préférant un face à face dépouillé entre le croyant et la divinité.

Il faut remarquer que la basilique de Vézelay, est quasiment contemporaine de Chartres, comme des débuts cisterciens. Ce 12e siècle est donc un moment important de croisement culturels et de modèles catholiques variés.

On voit aussi la conquêtes des grands villes, et pas seulement du tissu des territoires ruraux. Façon de s’affirmer face aux pouvoirs temporels des saigneurs, barons, ducs ou princes.

Les chapiteaux s’adressent à des populations analphabètes aussi bien qu’aux lettrés ; elles ont ainsi plusieurs degrés de lecture, du factuel au narratif, jusqu’au symbolique.

Les fidèles progressent des pieds ( Narthex) vers le Chœur et déambulatoire ( vers le soleil levant et vers la forme courbe des absides. Se détacher progressivement de son enveloppe terrestre pour se diriger vers la spiritualité.

Je signale également que les textes de référence qui m’ont servis, sont essentiellement la somme magistrale d’ Emile Mâle sur l’ Art religieux des 12e, 13e, fin du moyen âge et 17e siècle.( Armand Colin- 1950-1958) et les grands textes d’ Henri Focillon : Moyen âge roman et gothique. (Armand Colin, 1955), sans oublier Marie Madeleine Davy : Initiation à la symbolique romane.( Champs Flammarion, 1964). Un texte très clair d’Emile Bréhier ; La philosophie du moyen-âge.(1937. Alcan, 1937).

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About Olivier Jullien

Intervenant dans le domaine des arts plastiques, comme enseignant, praticien ( peintures-graphismes) et conférencier.
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1 Response to VEZELAY- Le chapiteau du moulin mystique.

  1. Avatar de Alex Alex dit :

    Hi nice reading youur blog

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