Evolutions et réductions de mythes féminins.

(juin 2018)

 

Exposé  simplifié d’une conférence  ; qui sera de nouveau présentée à Brétigny sur Orge, dans le cadre de l’ Université du Temps Libre.

A explorer la documentation foisonnante et récente, proposée à nos yeux, il apparaît de façon de plus en plus patente, qu’un continent entier et oublié est à explorer. Des textes récents de Claudine Cohen sur la préhistoire, comme le livre d’ Olivia Gazalé sur le « virilisme », tout comme de très nombreuses recherches, convergent vers une compréhension critique de la Bible et des mythes grecs, comme destructeurs de figures féminines puissantes ( la somme de Robert Graves, sur les traditions celtes et grecques contribue à ces recherches, tout comme les 5 tomes de l’Histoire des Femmes sous la direction de Michèle Perrot).

Ces destructions systématiques de figures féminines puissantes, accompagnent clairement la sédentarisation des peuples, clairement au proche-orient, ainsi que la possession et la hiérarchisation progressive du vivant ( animaux, plantes, puis esclaves, puis enfants puis femmes).

La fascination aveuglée de nos cultures et élites européeennes pour les traditions bibliques et gréco-romaines, mythifiant le classicisme et la Renaissance, comme synthèse réussie du christianisme et des traditions antiques ont oublié des antécédents magnifiques et dérangeants.

Il est impressionnant de voir ressurgir, dans des pays actuellement en guerre et clairement sexistes, des trésors archéologiques célébrant de puissantes déesses et/ou héroïnes..Turquie, Syrie, Irak….Egypte et même Arabie Saoudite…

L’archéologie étant difficile dans ces pays, le sexisme des dirigeants étant manifeste, il faut parier sur l’avenir pour redécouvrir les cultures antérieures à la Bible et aux récits grecs.

Ci dessous :

1ère galerie

correspondant aux périodes paléolithiques, mésolithiques et néolithiques.

paléolithique : Il s’agit ici tout de même de plusieurs millénaires de continuité…et sur des espaces à l’échelle de la terre ; pas de simples zones régionales. le terme « venus » est totalement inapproprié, car réduisant ces silhouettes à des canons de beautés passives et apparemment étrangères à nos valeurs. Le fait est flagrant qu’aucune représentation masculine ( à part l’homme à tête de fauve) n’est présente.

Mésolithique en Afrique , peintures du Tassili et du Drakensberg, Apprivoisement des bovins ; accompagnement de la nature, lente domestication. Pas encore de possession du vivant. Présence de silhouettes de tous genres et de tous âges, associées aux troupeaux libres. Apparition d’animaux domestiqués, chiens, chevaux, dromadaires.

Mésolithique : Site exceptionnel de Catal Huyuk ( actuelle Turquie), typique de la richesse de la période du mésolithique, comme du bovidien. Petite cité, sédentaire, mais conservant des cultes vraisemblablement hérités des peuples pasteurs : les troupeaux sont accompagnés, mais pas possédés. Le trône est signe de stabilité et de domination sur les animaux sauvages. Les cornes de bovins, dans le mobilier, signe de connivence ( domination, et, captation de la puissance.). Premiers greniers. Abondance, prospérité, stabilité

néolithique au proche-orient et en Egypte, persistance flagrante de figures toutes puissantes, associées aux astres ( lune et soleil) ainsi qu’à l’animalité : bovins et fauves et animaux nocturnes, comme le hibou. Ishtar, Inanna, Tanit

aahgodess Inana

Planche synthétique des figures divines , dans les périodes dites arcxhaïques, de l’actuel moyen-orient. Il se dégage des constantes iconographiques, héritées, vraisemblablement de mythes plus anciens que nous exposant ci dessous.

La silhouette généreuse se transforme en déesse debout, bras ouverts, flanquée d’attributs distinctifs, de végétaux et maîtrisant toujours 2 types d’animalité, ainsi que les astres. Positions frontales. Les variations de représentations, allant de la figuration naturaliste au signe minimaliste, pour le cas de Tanit.

 

 

 

 2eme galerie

Montre la spécificité et la force du modèle égyptien.

Equilibres et complémentarité, sans hiérarchies ; la continuité des statues couple pendant les 3 millénaires est impressionnante, mais encore la complicité stupéfiante entre le masculin et le féminin, exprimée à chaque cas, et celà avec des variations singulières.

Dans le grand ensemble des divinités égyptiennes, il y a les figures majeures de Hathor/Isis autour de la fécondité et fertilité des terres .Figures dominant les bêtes sauvages et apprivoisant les bovins. La spécificité du modèle économique égyptien, explique peut être la singularité ; en effet, la terre et le vivant n’appartiennent pas aux individus, mais au couple royal, c’est à dire à tous d’une certaine manière. Il n’y a donc pas de prise de possession. Par ailleurs, toute forme de vie est célébrée, sans hiérarchie, du scarabée au soleil, du roseau à l’hippopotame. Il n’y a donc aucune raison d’amoindrir et de diminuer un genre plutôt qu’un autre.

 

3eme galerie.

Les mutations de Hathor/Isis ainsi que Ishtar/Inanna/Tanit vers Cybèle/Artemis.

Dans le monde grec classique, tout occuppé à établir des figures dominantes masculines , les héros, les demi dieux, les guerriers, les rois prennent le pouvoir et fonissent par doùiner aussi l’Olympe. Une part est laissée à quelques déesses, dont les puissances sont divisées, Héra en épouse jalouse, Aphrodite en seule figure de sensualité, Athéna en froide guerrière , Artémise en solitaire nocturne etc.

Cependant dans certaines régions ( Actuelle Turquie par exemple) on voit persister dans ce monde sédentaire et masculinisé, de figures toutes puissantes, révérées avec les attributs archaïques.

La figure centrale, mais « régionale »  d’Artémise ( Diane) d’Ephèse, n’a rien à voir avec l’ Artémise soeurette d’Apollon. De même Cybèle/Perséphone n’a rien à voir avec la pauvre Perséphone raptée par Hadès…Ainsi, il y a comme une résistance et une persistance de cultes très anciens. Les attributs et les types de représentation reprenant de façon claire de très anciennes divinités.

On verra aussi la substitution des modèles féminins en modèles masculins, tels Serapis ( Osiris + Apis pour se substituer au couple Isis+ Hathor Serapis devenant un archétype du patriarche biblique et/ou olympien). De même la valorisation progressive des héros vainqueurs de taureaux ( manière « viriliste » de dominer les bovins, et d’écarter les rapports plus domestiqués des figures et mythes féminins).

 

 

4eme galerie

Longue évolution des figures féminines, vers leur édulcoration. Des figures centrales sont scindées en plusieurs déesses aux attributs réduits ( par exemple Ishtar, devenant Astarté, puis la pâle Diane..Les amazones, figures fières et puissantes, devenant des proies violentées systématiquement dans les « amazonomachies ». Certaines sont rendues coupables de séduire et d’affaiblir les « héros » et sont donc, maltraitées et abandonnées, telle Ariane. Telle Omphale qui ridiculise Héraklès etc.

La grande Perséphone/Cybèle/Artémis d’Ephèse réduite à un enjeu sexuel et passif, enlevée et abusée par Hadès/Pluton…

 

 

5 ème galerie

Les figures féminines puissantes sont transformées en monstres hideux et dangereux. De belles et séduisantes elles deviennent laides et dangereuses. Les hybrides masculins étant nettement plus abordables, satyres( ardents libidineux) , centaures ( sages et solitaires)  et le pauvre Minotaure ( fruit de l’amour « coupable » de sa mère Pasiphaé..( qui perpétuait incidemment le rapport d’apprivoisement du bovin ). Il est jusqu’à Charybde et Scylla, qui sont de genre féminin !!

Exactement dans la même période ( en gros à partir de 1000 BC) La disparition totale de modèles féminins positifs, dans la tradition biblique est éclairante du basculement vers un patriarcat.

Seules 2 figures féminines échappent un peu au modèle : Judith et Esther. Toutes les autres femmes dans les récits bibliques, sont des concubines, des servantes, des mères porteuses, des prostituées, des épouses passives. Repli sur le groupe, le clan, la propriété, la patrilinéarité. Les « rois » d’ Israël sont à la tête de gigantesques harems de concubines, ayant droit de vie et de mort, comme sur leurs troupeaux. Restent quelques Sybilles et prophétesses, mais qui sont comme des magiciennes et des sorcières, ne pouvant pas être des modèles.

La caricature étant la « genèse » où pas une femme n’est citée dans les « engendrements ». un comble de dénégation.

De cette tradition biblique, il n’y a aucune trace artistique.

 

6ème galerie

Etonnante persistance, sur les territoires d’Egypte, d’Anatolie et de Syrie, de figures très fortes, de reines résistant au patriarcat, telle Cléopâtre et/ou Zénobie ( à Palmyre). Dans les territoires romanisés puis christianisés.

Par contre, le christianisme, réhabilite, en la figure de Marie, malgré tout, un rôle majeur féminin, qui interrompt la genèse des héros bibliques. Enjeu complexe entre les traditions patriarcales, le nouveau testament, le sexisme romain et grec….Par exemple, de façon  singulière, le christianisme byzantin, à la différence du christianisme d’occident, est profondément marqué par des impératrices très puissantes et dont le rôle est décisif. leur figuration est constante sur plusieurs siècles., est ce le signe d’une persistance dans ces régions, de traditions fortes autour des divinités féminines ?

 

7ème galerie

La tradition du catholicisme occidental détruit sciemment et méticuleusement les figures rémanentes de déesses archaïques. On retrouve Cybèle/Ishtar en « prostituée de Babylone », on retrouve Artémis d’Ephèse en monstre de la tentation, on retrouve la femme au serpent ( Cléopâtre ?) en figure de la luxure et Innanna/Tanit…en Eve..Eve, personnage sot, secondaire  et passif…L’idiote utile du sexisme triomphant. Ces versions sont dans les textes sexistes des « pères de l’église » et allègrement reprises dans de nombreux manuscrits. Notamment les « Beatus » du 9e au 12e siècle.

 

8ème galerie

Mais, il y a aussi de fortes contradictions au coeur même des sociétés catholiques, et sans doute des enjeux genrés ; au 12e et 14e siècle, de façon  évidente, la figure dominante, dans toute l’Europe, dite gothique, est la résurgence christianisée de figures archaïques, mais positives. reine du ciel, de la lune et du soleil, domptant le dragon, figure trônant et/ou allaitant…On retrouve  Isis, Hathor, Ishtar, etc. De façon claire encore, les temples dédiés à Notre Dame, sont souvent sur des lieux fertiles ( bassin parisien, Brie, Beauce…sur des fleuves). Est ce une tradition reprise du temple à Isis sur l’île de Philaé ?

Le christianisme semble souvent totalement poreux aux traditions et cultes régionaux. la superposition des édifices chrétiens aux fontaines, temples païens…est la preuve de la persistance de ces cultes. Il était sans doute impossible d’éliminer toute figure féminine du ciel chrétien. La divinisation de Marie et son succès phénoménal, notamment sur le territoire hexagonal le prouve.

Chose étonnante encore, les représentation des « Notre Dames » gothique, présentent des femmes souriant, soulignant le corps, dans des déhanchements prononcés..Tout ceci très loin des figures mortifères et tragiques de la mort, du martyr de son fils, réduit ici à l’état mineur de bébé.

La puissance féminine restant cependant  cantonnée à la maternité, la fécondité , la dimension cosmique, mais et exclue de toute autre puissance.

 

 

9ème galerie

La numérisation de milliers de manuscrits, oblige à redécouvrir des trésors intimes et cachés. On découvre des moniales intellectuelles et artistes. la fameuse Claricia, qui peint un autoportrait émouvant. Et aussi l’extraordinaire Tacuinum Sanitatis. texte d’origine proche orientale du 11e siècle,( actuel Irak), traduit et diffusé a de nombreux et magnifiques exemplaires ( surtout au 14e siècle) il expose de façon éclatante, une harmonie non hiérarchisée entre les hommes et les femmes, dans le jardin, la cité. hélas, le dernier exemplaire, datant du 15e siècle, appelé le Tacuinum Lombard, exclut cette fois ci les femmes des illustrations..La Renaissance, souvent plus sexiste que le dit « moyen âge »…

les « romans », notamment arthuriens, réhabilitent des figures puissantes de femmes : héritage de cultures pré bibliques et nordiques…Christiannisées lentement mais sûrement au fil des siècles.

 

10ème galerie

Les manuscrits médiévaux, récemment numérisés et mis en ligne, permettent de redécouvrir, comme une activité souterraine, de femmes résistant aux stéréotypes . La plus emblématiques d’entre toutes étant Christine de Pisan, qui fait le point, et établit le recensement des mythes. Elle propose des relectures de figures comme Diane, Isis, Céres ainsi que des Amazones ( Penthésylée )..et des femmes artistes. Elle reconnaîtra vite en Jeanne d’Arc, sa jeune contemporaine, une figure mythique.

 

11ème galerie

Des figures paradoxales persistent jusqu’à la Révolution française ave le culte d’ Isis, fusiooné de façon évident à Artémis d’Ephèse et à Isis Lactans. On retrouve encore à Paris, le culte de Notre Dame, comme la barque d’Isis, la semeuse et Cérès. La synthèse Isis/Artémise/ Cybèle etc; est souvent emblème de la nature, dévoilée par la philosophie, les arts, les sciences…La mariée mise à nu…….( voir Duchamp).

A propos Olivier Jullien

Intervenant dans le domaine des arts plastiques, comme enseignant, praticien ( peintures-graphismes) et conférencier.
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