BESTIAIRES, dans un monde médiéval et chrétien.

La religion chrétienne, sachant se saisir de toute image et anecdote pour faire parabole, saura vite transformer les légendes et attributs animaux en symboles chrétiens.

Les brebis du Pasteur, l’agneau sacrificiel, mais encore les ‘ stades de Jésus sur terre, représentés par les 4 figures des évangélistes, Homme sur terre, sacrifié comme le taureau, ressuscité comme le lion et monté au ciel comme l’ aigle ( cité par Emile Mâle dans son histoire de l’art religieux au 12e , en France) sont parmi les exemples les plus connus. L’âne portant Marie et Jésus, fuyant Hérode, mais encore Jésus arrivant à Jérusalem, est l’humilité, mais aussi le porteur de message.

On trouve donc, des figures animales aux symbolisme avéré, mais aussi, une multitude de figures sculptées, dès lors que le catholicisme commence à s’adresser au plus grand nombre: la population encore païenne, de l’ Europe occidentale, jusqu’au 9e siècle environ.

Ainsi, sont intégrés dans les églises, sur les tympans, sur les chapiteaux, à la fois les animaux du quotidien, mais encore, les monstres, chimères et figures fantastiques, héritées de mythes variés et anciens.

L’apparition de la figure du diable, assez récente (9/10e siècle d’après E. Mâle (op.cit)), est l’occasion de rappeler, que selon la tradition grecque platonicienne, reprise par le christianisme, il faut se défaire de l’animalité humaine, en se dirigeant vers l’esprit, le divin. Les monstres et animaux, rappellent aussi aux humains, leur condition terrestre, de pêcheurs, impurs. Toute cette diversité, réelle et fantasmée, est organisée selon un style « roman » assez homogène,( unifiant les traditions orientales, celtiques, carolingiennes et mozarabes) simplifiant les proportions et expressions, au bénéfices des signes et symboles, reposant sur un graphisme universel de courbes et de droites alternées ( la palmette) et intégrés dans l’édifice unifiant de l’église, en des lieux distincts et signifiants : chapiteaux et tympans, zones de passage de la terre au ciel, du haut en bas, du terrestre au céleste, du monde prosaïque au monde christianisé.VEZELAY- Le chapiteau du moulin mystique.

On trouve dans les Beatus asturiensBeatus de Liebana-Apocalypses, la condamnation de la « prostituée de Babylone », qui à l’évidence représente les cultures « babyloniennes » et anatoliennes de Ishtar, mais encore Artemis d’ Ephèse Artemis d’ Éphèse, gorgones, amazones..( St Jean écrit son apocalypse à Pathmos, St Paul prêche à Ephèse), figures maudites d’un pouvoir féminin sur le vivant, honni, aussi bien par les hellènes que par les chrétiens. Les apocalypses figurent encore ces figures de démons et monstres, comme figures d’antéchrists, dont seul l’agneau triompherait.

Les bestiaires, représentent aussi la beauté et la diversité du monde créé par le dieu. On retrouve cette admiration, y compris dans les traditions juives et musulmanes, qui s’écartent des dogmes iconoclastes, pour exprimer à leur façon, leur admiration devant la beauté et la diversité du monde, visible, notamment par la diversité du monde animal.

Le monde animal, reste partagé en plusieurs catégories ( voir l’article précédent), les animaux domestiqués et utiles, les animaux sauvages, puissants et fascinants, et les animaux chimériques, invisibles mais bien réels d’après les voyageurs ( Alexandre, Brendan, Marco Polo, Ulysse)( Hybrides, sirènes, sphynx, griffons, dragons, licornes, manticores etc) et les racontars…..

Les bestiaires sont étonnants ; la plupart d’entre-eux reprenant les mêmes textes grecs : le « Nicandre de Colophon » par exemple. On retrouve exactement les mêmes figures et caractéristiques, de la licorne, du Caladrius, du tigre ( attrapé grâce au miroir), de la hyène profanatrice de tombes, au bison pestilentiel, comme le chien fidèle, vengeur et chasseur mais aussi le pélican figure du sacrifice christique ( erreur d’interprétation de la becquée des pélicans – ceux ci écrasant les poissons pêchés dans leur poche de bec, avant de les offrir saignants à leur progéniture- furent compris comme se blessant jusqu’au sang pour offrir leur chair. Sacrifice christique, royal et/ou patriarcal) ; on trouve encore à foison les éléphants d’ Alexandre et Hannibal, machines de guerre représentées de façon peut naturaliste.

Au fur et à mesure que la société occidentale se stabilise, maîtrisant son espace, et harmonisant ses cultures et références, on s’approche de représentations plus naturalistes dans les derniers bestiaires. On trouve dans les traités de chasse ( y compris l’étonnant « traité » de femmes chasseresses – réminiscence d’ amazones?) un rapport plus prosaïque et technique. Dimension que l’on retrouve aussi dans le tacuinum sanitatisLe Tacuinum Sanitatis d’ après Ibn Butlan.

Les arts dits « médiévaux » sont les dernières pratiques artistiques populaires, accessibles à toutes les catégories sociales, du moins dans les édifices, les manuscrits étant très chers et réservés aux « élites ». Ainsi, à la renaissance, certains comme Carpaccio, représentent des animaux selon des allégories et figures érudites, souvent cryptées et difficiles à interpréter. Restent des artistes flamands, comme BoschJérôme BOSCH, puis BreughelBabel-BREUGHEL, qui d’une certaine manière, perpétuent les traditions populaires des animalités diverses, signifiant la diversité d’un monde créé et foisonnant, dans lequel, le bien et le mal, le monstrueux , le fantastique, et le positif cohabitent depuis l’origine de la création ; il reste aux humains la responsabilité et le libre arbitre pour tranche, choisir, vivre dans ce monde.

Ci-dessous, l’enregistrement correspondant à la galerie ci-joint.

A propos Olivier Jullien

Intervenant dans le domaine des arts plastiques, comme enseignant, praticien ( peintures-graphismes) et conférencier.
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